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servir. Aussi, de tous les barbares qui ravagèrent l’empire romain, celui-ci est resté le plus abominé des contemporains et le plus flétri par l’histoire. Maudit-de-Dieu devint l’épithète ordinaire, ou pour mieux dire le synonyme du mot Bulgare, et cette qualification, arrachée par la souffrance aux générations romaines du VIe siècle, est entrée dans l’histoire, qui lui a donné sa consécration.

Onze ans à peu près avant cet appel que leur faisaient les Huns, les maudits-de-Dieu avaient essayé d’arriver jusqu’au Danube. Une de leurs hordes partant du Volga où ils étaient à peine établis menaçait déjà les provinces méso-pannoniennes, quand le grand Théodoric, prenant avec lui en toute hâte ce qu’il put réunir de soldats goths et romains, alla l’attendre dans les plaines du Dniester, la battit, la mit en déroute, et lui blessa son roi de guerre nommé Libertem. Les Bulgares avaient oublié leur échec et ne se souvenaient plus que de la richesse proverbiale de la Romanie et du grand nombre de ses villes, lorsque leur vint la proposition des Huns, qu’ils acceptèrent sans balancer. Ce peuple, qui figurera au premier plan de nos récits, est encore un des élémens dont s’est composée la nation russe, moitié asiatique et moitié slave dès l’origine de son histoire. On le voit, le premier noyau de ce grand empire, destiné à tant de péripéties, essaya de se former au VIe siècle, sur la lisière de l’Asie et de l’Europe, par l’alliance des deux barbaries conjurées contre l’empire romain. Son premier objet, le pillage de la vallée du Danube ; son premier cri de guerre : à la ville des Césars ! a-t-il beaucoup changé depuis ?

Ce fut pendant l’hiver de 498 à 499 que l’armée des barbares coalisés, à laquelle un historien byzantin donne le nom de hunno-vendo-bulgare de mot de Vende étant employé quelquefois dans une acception générique pour désigner tous les Slaves), déboucha sur la rive gauche du Danube. L’hiver était la saison que les barbares de ces contrées choisissaient le plus ordinairement pour leurs irruptions en Mésie, « attendu, dit Jornandès, que le Danube gèle chaque année, et que ses eaux, prenant la dureté de la pierre, peuvent donner passage non-seulement à de l’infanterie, mais à de la cavalerie, à de gros chars attelés de trois chevaux, en un mot à toute espèce de convoi : d’où il suit que l’hiver une armée envahissante n’a besoin ni de radeaux, ni de barques. » Un autre avantage encore faisait choisir aux barbares le temps des gelées pour commencer leurs campagnes. Les flottilles romaines en station sur le fleuve étant prises dans les glaces, ils pouvaient à leur gré tourner les forteresses, et rien ne les arrêtait plus jusque dans le cœur du pays : étaient-ils battus plus tard ou retournaient-ils vainqueurs avec leur butin lorsque le fleuve était dégelé ? ils le franchissaient suivant la coutume des Asiatiques sur des outres