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même évêque entre les prélats orientaux et l’empereur en cas de dissentiment possible ; et comme on savait ce que valaient les sermens d’Anastase, Vitalien exigea que le sénat, le corps des magistrats et les premiers citoyens de la ville souscrivissent aussi ces conditions. Il se fit remettre en outre le commandement suprême des forces stationnées dans le voisinage de Constantinople. Ainsi Anastase fut placé sous la triple tutèle des habitans de sa ville impériale, d’un de ses généraux et d’un évêque étranger. On croyait avoir bien rivé sa chaîne, et il échappa. Le concile œcuménique, toujours convoqué, une fois réuni, ne délibéra jamais ; le pape ne gagna rien non plus sur l’empereur malgré sa fermeté ; Vitalien se vit enlever son commandement, et les catholiques découragés remirent l’épée dans le fourreau. Ne penserait-on pas, à la lecture de ces faits déjà vieux de treize siècles et demi, parcourir sous des noms, des costumes, des formules différentes, le récit de quelque événement d’hier ? Ce roi en tutelle sous son peuple, ces engagemens écrits, ces sermens arrachés, niés, éludés, tout cela ne nous reporte-il pas à des scènes dont nous ou nos pères avons été témoins ? C’est que les passions des hommes et leurs allures sont les mêmes, quel que soit le mobile qui les pousse et le court moment où ils s’agitent : seulement sommes-nous bien sûrs d’avoir toujours eu dans nos discordes politiques un mobile aussi respectable et aussi sérieux que devait l’être pour des ( ???) chrétiennes une atteinte portée au dogme fondamental de leur foi ?

On comprend maintenant comment, sans lâcheté et sans mériter toutes les injures dont nous nous plaisons à poursuivre rétrospectivement à travers l’histoire ce que nous appelons le Bas-Empire, — le gouvernement romain, dans les dernières années du Ve siècle et le commencement du Vie pouvait n’attacher qu’une médiocre attention aux courses des Barbares, — Huns, Bulgares et Slaves, — dans la vallée du Danube. Il fallut que Constantinople elle-même et le siège de l’empire se trouvassent en péril pour réveiller un peuple et un empereur absorbés dans les intérêts d’en-haut. Les places échelonnées pour couvrir les approches de la grande cité n’arrêtaient pas toujours des détachemens qui savaient se glisser dans leurs intervalles d’autant plus aisément qu’ils se composaient de cavalerie, d’une cavalerie agile, infatigable. À plusieurs reprises, on put donc voir les enfans perdus des armées barbares pénétrer dans la campagne de Constantinople, jusqu’au cœur de cette riche banlieue que les contemporains nous dépeignent comme la plus délicieuse contrée du monde. Il faut lire les écrivains du VIe siècle, et surtout Procope, pour se faire une idée de ce qu’avaient produit, sous le beau ciel de la métropole de l’Orient et autour de ses mers transparentes, les merveilles des arts