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nombre des demi-conversions que raconte M. Vanderkiste est plus considérable que celui des conversions entières. Si par momens tous ces vauriens ou tous ces pauvres diables ont une velléité de travail, de bonne conduite, ou pleurent en écoutant le prédicateur, ce n’est là qu’une émotion momentanée, toute du tempérament et de la chair. Au lit de mort, les criminels endurcis ont quelquefois des remords terribles, dus à cet instant rapide et solennel où toute la vie se résume et apparaît aux regards de l’agonisant telle qu’elle a été et dans son unité suprême. En somme, il est trop clair que le plus souvent M. Vanderkiste en a été pour ses frais de prédication. Il demande plus de missionnaires; nous étions trop peu nombreux, dit-il. Involontairement, après avoir lu son livre, on se pose la question de savoir si la police ne serait pas préférable à la prédication, et s’il ne vaudrait pas mieux un plus grand nombre de constables qu’un plus grand nombre de missionnaires. L’idée que nous voudrions faire ressortir de cette navrante analyse, la moralité que nous voudrions tirer de ce livre est tout entière contenue dans ce simple point d’interrogation : quel est le meilleur moyen de faire cesser cette lèpre honteuse, des prédicateurs ou des constables ? une charité patiente et religieuse ou une charité militaire, aux moyens sommaires et expéditifs ?

La mission de la Cité de Londres, née en 1835, est sortie d’une de ces initiatives individuelles auxquelles l’Angleterre doit une partie de sa grandeur et de sa force : elle fut fondée par un philanthrope nommé David Nasmith et établie sur les bases religieuses les plus sensées. La société n’exclut aucune des sectes qui reconnaissent le credo protestant et le dogme de la Trinité; elle comprend par conséquent les dissidens de toutes les communions, à l’exception des catholiques et des unitaires. Un des articles de son règlement est ainsi conçu : « Les missionnaires doivent éviter toute controverse sur la constitution et le gouvernement des églises chrétiennes, leur but principal étant d’enseigner au peuple des districts qui leur sont assignés la voie du salut qui nous a été ouverte par Jésus-Christ. » Les missionnaires ne furent d’abord que quatre; mais peu à peu la société en a augmenté le nombre, et, selon M. Vanderkiste, elle comptait l’an passé deux cent quarante-cinq missionnaires, et pouvait disposer d’une somme de 23,053 livres sterling (plus de 576,225 fr.). Ces missionnaires ne sont pas tous, tant s’en faut, de grandes intelligences; ils appartiennent pour la plupart à ce clergé inférieur d’Angleterre encore assez borné et fanatique, mais qui a conservé l’esprit chrétien plus que le haut clergé, et qui plus d’une fois a soutenu l’église anglicane chancelante en ranimant l’esprit évangélique et en faisant passer ainsi l’œuvre religieuse de Luther avant l’œuvre