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nous dit-il, ce n’était qu’une lampe fumeuse, une faible flamme. » A l’heure de la mort, au moment où le converti récitait les prières protestantes, les souvenirs du culte catholique lui revinrent à la mémoire, et il manifesta, à la grande humiliation de M. Vanderkiste, le désir de baiser un crucifix. Cette populace catholique, pour nous résumer d’un mot, n’en est pas moins très pervertie; seulement elle a sur la populace protestante le mérite d’être profondément attachée à sa religion. Cet attachement n’a certainement rien de bien moral, ni de très élevé; c’est trop évidemment un instinct tout physique et semblable aux instincts de la bête, mais enfin il existe, et on doit le constater.

Un autre phénomène bizarre que présente le catholicisme est le suivant : un catholique peut très bien être un malhonnête homme et n’en être pas moins très dévot, et ceci atténue tant soit peu le mérite de cet attachement que nous avons signalé. L’Italien peut voler, l’Espagnol tuer, l’Irlandais s’enivrer du matin au soir et se vautrer dans la plus sale débauche, sans oublier un signe de croix, une génuflexion devant la madone, une prière, une visite à la chapelle. Le contraire a lieu dans le protestantisme; aussitôt qu’un protestant devient un malhonnête homme, il cesse d’être protestant. Sa religion tout intérieure et morale n’existe plus pour lui, et la vie qu’il a librement choisie n’est pas faite pour la lui rappeler. Qu’est-ce que la vie habituelle d’un voleur, par exemple, peut lui rappeler de sa religion, et comment ses pensées intérieures auront-elles jamais quelque chose de commun avec la foi morale en l’Évangile et en Jésus-Christ ? La religion protestante est une religion qui en Angleterre a pénétré jusqu’aux couches les plus profondes du peuple; mais on peut dire qu’au contraire du catholicisme, elle s’arrête là où commence non pas la misère, mais le vice habituel et le crime. Cette observation suffira peut-être à expliquer pourquoi dans les bas-fonds de la société anglaise on ne retrouve pour ainsi dire plus de trace du sentiment religieux, ainsi que le confesse loyalement M. Vanderkiste.

Toute cette canaille appartient de nom à l’église nationale d’Angleterre, et ne compte dans ses rangs qu’un très petit nombre de dissidens calvinistes. M. Vanderkiste n’a rencontré qu’un seul unitaire, ce qui ne nous surprend point, ces sortes de doctrines étant généralement encore moins accessibles au vulgaire que le protestantisme anglican. Elle ne connaît rien de la religion, et ne peut naturellement rien en connaître. Les réponses absurdes que le prédicateur recevait de ses ouailles montrent assez que l’enseignement religieux qu’il s’efforçait de leur donner ne servait qu’à les rendre plus ignorantes encore. Un vieillard très docile et très attentif aux discours du prédicateur lui fit un jour la question suivante : « Je voudrais