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Qu’importe cependant ? le concert continue malgré la jalousie de la signora jusqu’à ce que paraisse à l’horizon, toute rose et souriante, la fée Aurora.

XV.
BON CONSEIL.

Plus de tristesse ni de timidité ! parle haut, fais hardiment ta demande, on s’empressera de l’agréer, et tu conduiras ta fiancée dans ta maison.

Jette ton or aux musiciens, c’est le violon qui fait la fête. Embrasse les vieilles tantes, quand même tu penserais tout bas : la peste vous emporte!

Parle bien des princes et ne médis pas des femmes. Si tu fais tuer une truie, ne lésine pas avec les boudins.

Si tu n’aimes pas l’église, fou que tu es, entres-y d’autant plus souvent. Découvre-toi devant monsieur le pasteur; envoie-lui aussi une bouteille de vin.

Si tu sens une démangeaison, gratte-toi en homme d’honneur; si tes souliers te gênent, mets des pantoufles.

Ta femme a trop salé ta soupe ? surmonta ta colère, et dis-lui avec un sourire : Ma chère poupée, tout ce que tu apprêtes est bien cuisiné !

Ta femme désire un châle ? achète-lui en deux. Achète-lui aussi des épingles et des agrafes d’or et des bijoux.

Suis mon conseil, cher ami; tu auras un jour là-haut le royaume du ciel, et tu goûteras le repos ici-bas.

XVI.
NOUVELLE SOCIÉTÉ PHILHARMONIQUE DES CHATS.

La société philharmonique des matous était assemblée sur le toit la nuit dernière; ce n’étaient pas les ardeurs sensuelles qui l’avaient convoquée; on ne s’attaquait pas, on ne faisait pas l’amour.

Les rêves de noces des nuits d’été, les mélodies amoureuses ne conviennent pas à la saison d’hiver, aux temps de glace et de neige. Toutes les gouttières étaient gelées.

Il faut dire aussi qu’un esprit nouveau s’est emparé de la race des chats. La jeunesse surtout, la jeune chatterie est enthousiaste des choses sérieuses.

La vieille génération frivole est à l’agonie. Un nouvel essor, un printemps de poésie féline se produit dans l’art et dans la vie des chats.

La société philharmonique des matous revient maintenant à l’art primitif sans art, à la naïveté naturelle.

Ce qu’elle veut, c’est la musique-poésie, des roulades sans trilles, la poésie instrumentale et vocale, qui n’est pas de la musique.

Elle veut aussi la souveraineté du génie, du génie qui bousille souvent, il est vrai, mais qui souvent aussi, à son insu, atteint le degré suprême de l’art.

Elle aime le génie qui ne s’est pas éloigné de la nature, qui ne tire pas vanité de l’érudition, et qui en effet n’a jamais rien appris.

Tel est le programme de la société philharmonique des matous, et dans