Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les confessions de l’auteur s’arrêtent ici, au moment où l’expiation est complète, trop complète ; mais les longues années d’exil, les souffrances, les pensées amères du proscrit, de tout cela nous ne savons rien, l’auteur ne nous dit rien. Nous pouvons en conjecturer quelque chose cependant. L’orage a brisé dans sa fleur cette existence ; une brillante carrière a été interrompue dès le début ; quelque chose d’irréparable est arrivé, qui fera, bon gré, mal gré, dépendre toute la vie de Lorenzo d’une noble folie de jeunesse et d’un instant d’enthousiasme justifiable sans doute, mais imprudent Les choses se sont-elles passées ainsi ? Si le contraire est arrivé, félicitons-en Lorenzo et prenons cordialement congé de lui.

Nous n’aurons pas le courage d’exprimer sur ce livre une opinion politique ; nous ne ferons pas un reproche à l’auteur d’avoir suivi le drapeau de la république plutôt que celui du gouvernement constitutionnel, et nous laisserons le gouvernement constitutionnel se défendre tout seul. S’il est une chose que nous n’ayons jamais comprise, ce sont les disputes des Italiens sur les formes de gouvernement ; la question italienne n’est pas malheureusement une affaire de forme politique, c’est surtout et avant tout une question de vie ou de mort, d’être ou de n’être pas ; aussi peut-on demeurer fort indifférent à tous les systèmes politiques qui ont été proposés, et par suite assez indulgent pour toutes les fautes qui ont été commises. Celui qui est soumis à l’oppression ne raisonne pas toujours d’une manière bien saine, et il serait d’ailleurs assez ridicule de prêcher la modération à l’homme qu’on accable de coups. Il y a des faits historiques devant lesquels il faut suspendre son jugement, parce qu’il y a des circonstances, pour les nations comme pour les individus, qu’on ne peut bien comprendre qu’après les avoir traversées soi-même. Lorsque j’entends parler des fautes commises par les nations malheureuses, et que j’en entends parler avec une sévérité pédantesque, je me demande involontairement ce que nous ferions, si nous avions à supporter les mêmes épreuves. Vous êtes-vous jamais vu forcé, après avoir longtemps lutté pour rester calme, de vous soulever contre un être tyrannique ou seulement déplaisant ? Et pourtant ce n’était là qu’un incident momentané. Savez-vous à quel état d’esprit vous arriveriez si cet incident durait toujours, si votre vie tout entière y était liée indissolublement ? Le duc de Brunswick adressa au peuple français une proclamation menaçante ; vous connaissez la sanglante tragédie, longue de trois jours et de trois nuits, qui en fut la suite. Nous qui avons supporté deux invasions, — avec quels ressentimens et quelle amertume ! — nous savons combien nos cicatrices ont été longues à guérir. Encore aujourd’hui, à certains momens et sous l’influence de certains courans de