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avait promis naguère de leur concéder, et surtout que le royaume de Danemark ne perdît pas, par les dispositions ou l’influence de cette constitution commune, les avantages dont il était déjà en possession. L’adresse se terminait en rappelant que le bon accord entre le roi et la nation avait seul, quelques années auparavant, sauvé le Danemark, menacé de toutes parts, et qu’aujourd’hui encore c’était dans une parfaite union entre toutes les forces du pays que serait sans doute le seul espoir de salut. — Les illégalités commises par le ministère avaient failli rompre cette union ; il fallait, pour la rétablir, éloigner le ministère après avoir effacé les illégalités en les condamnant. Les protestations adressées au roi par les députés et même par les électeurs n’avaient jusqu’à présent servi de rien ; il ne restait donc plus autre chose à faire que de soumettre les actes du cabinet au jugement de la cour suprême.

M. Tutein, député de la seconde chambre, l’un des plus riches et des plus estimés propriétaires du Danemark, se chargea d’élever et de soutenir cette proposition. Il la motiva non-seulement sur la publication de l’acte du 26 juillet, attaque directe contre la constitution de 1849, destinée, si elle pouvait réussir, à refouler le Danemark dans l’absolutisme en confiant le pouvoir à des ministres presque irresponsables, mais encore sur la transgression récente de toutes les lois financières. Les ministres de la guerre et de la marine en particulier avaient, à l’occasion de la neutralité armée, dépassé à l’envi, sans aucune autorisation des chambres, toutes les limites de leurs budgets respectifs ; aucun droit constitutionnel, aucune tradition même n’était plus respectée.

Par malheur, nous l’avons dit, un singulier malentendu entre le ministère et l’opposition jette au milieu de ce débat une incroyable confusion et altère le sens même des mots. On peut en juger par la lecture même des débats de la seconde chambre, tels qu’ils sont rapportés dans le Berlingske Tidende du 12 octobre. Le spectacle vivant de cette assemblée qui défend ses droits et la ressemblance des discussions qui l’agitent avec les anciens débats de nos chambres donnent à cette lutte parlementaire un certain attrait de nouveauté imprévue. Après que M. Tutein eut exposé et motivé, dans un long discours, sa proposition tendant à faire mettre en accusation le cabinet tout entier, le ministre de l’intérieur demanda la parole. C’était pour lui un sujet d’étonnement d’entendre parler de constitution violée. « Si je pouvais croire, dit-il, que la loi fondamentale fût en danger, je me réunirais aussitôt à l’honorable membre. Je ne crois pas, messieurs, que le moindre danger menace la loi fondamentale ; si quelque péril doit la menacer un jour, ce sera lorsque la chambre écoutera, des motions comme celle-ci, qui dépassent toutes les limites de sa compétence. Le vrai danger pour la loi fondamentale consiste en ce qu’on oublie toujours que la constitution danoise, telle qu’elle a été donnée en 1849, telle que nous l’aurions tous conservée avec plaisir, n’existe plus. Ce qui faisait le fond même de la constitution donnée à la monarchie danoise a disparu le 28 janvier 1852. Il ne faut jamais oublier cela ; il ne sert à rien de l’oublier. Ce qui en subsiste aujourd’hui, c’est une forte et libre constitution pour le royaume de Danemark. Si nous voulons affermir cette constitution pour le royaume, ne perdons pas le temps à nous quereller sur les