Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux combinaisons d’une politique dont ils subissaient la responsabilité tout entière, bien qu’elle leur apportât plus d’épreuves que de grandeurs, de douleurs que de jouissances. Avec ce changement dans les dispositions du vainqueur de Marengo commence réellement la vie politique du roi Joseph, qui nous offrira, dans deux épisodes significatifs, la plus triste démonstration de ce qu’avait souvent d’inapplicable et d’excessif le système pratiqué par Napoléon vis-à-vis des peuples vaincus et des princes de sa famille placés à leur tête.


I.

Entré avec Lucien, durant la campagne d’Egypte, au conseil des cinq-cents, Joseph Bonaparte ne tarda pas à prendre, après le 18 brumaire, une situation fort importante dans les affaires. Ses précédentes missions diplomatiques, ses mœurs élégantes et douces le désignaient au choix de l’homme qui se préoccupait dès lors d’élever sa famille au niveau de sa propre position, et il devint, sans que personne eût le droit de s’en étonner, le signataire de ses grandes transactions avec l’Europe. Joseph négocia successivement avec le comte de Cobentzel à Lunéville et avec lord Cornwallis à Amiens ; il eut l’insigne honneur de signer le concordat, qui, après les négociations les plus ardues, résolut un problème que la gravité des circonstances put seule rendre soluble, celui de reconstituer l’église gallicane par l’application la plus hardie du principe ultramontain.

L’éditeur de la correspondance de Joseph et de Napoléon s’est réservé de publier à part les nombreuses dépêches qui se rattachent à ces graves transactions. M. Ducasse a pensé, non sans raison, que ces pièces touchaient plus à la politique générale du consulat qu’à la personnalité même des agens auxquels était attribuée la mission de l’appliquer. On sait déjà d’ailleurs que si Joseph Bonaparte, dirigé par M. de Talleyrand, se montra, aux congrès de Lunéville et d’Amiens, scrupuleusement dévoué à la volonté suprême dont le ministre des relations extérieures n’était lui-même que le très souple instrument, il sut plusieurs fois adoucir la rigueur de ses instructions par des ménagemens heureux et par des formes constamment bienveillantes. Doué de peu d’initiative, presque timide quand sa conscience et son honneur n’étaient pas directement engagés, Joseph était bien l’ambassadeur qu’il fallait au guerrier qui négociait à coups de canon, et dont les agens ne pouvaient guère avoir d’autre mérite que celui de tempérer le caractère impérieux de leurs instructions par une grande modération personnelle. Après qu’il eut attaché son nom à ces monumens immortels d’une grandeur que n’avait pas encore désertée la prudence, l’aîné des Bonaparte fut appelé dans les rangs de l’armée,