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actuel comme une première tentative, ce qui semble promettre une continuation annuelle. Deux des plus célèbres artistes de Londres, tous deux membres de l’académie, sont à la tête de l’entreprise, à laquelle nous devons souhaiter bon succès, car, suivant les paroles mêmes de l’avis joint au catalogue, il elle ne peut manquer d’accroître l’estime du public anglais pour l’école française et d’étendre les sentimens d’amitié entre les deux nations. » Bon nombre des ouvrages exposés ont déjà fait leurs preuves en France et sont d’une date plus ou moins ancienne; mais quoique la liste des noms embrasse ceux de MM. Delaroche, Scheffer, Decamps, H. Vernet, Delacroix et bien d’autres artistes célèbres, nous ne pouvons pas dire que l’art français soit réellement représenté. La plus grande partie des envois sont des paysages ou des toiles de genre, et l’on sait que dans cet ordre de tableaux le talent est chose commune en tout pays. D’ailleurs les qualités distinctives des peintres français ne sont pas là sur leur terrain. C’est dans les grandes compositions et les sujets graves que le génie propre de l’école trouve occasion de se mettre en saillie; il faut qu’il trouve place pour la science, la robuste vigueur, la vérité et une certaine grandeur, peut-être un peu plébéienne. L’énumération des principales pages de la collection permettra de juger à quel point le petit salon de Londres peut renseigner l’Angleterre sur le véritable état de l’art français. Parmi les peintres que nous avons déjà nommés, deux seulement ont suffisamment donné leur mesure. Ce sont MM. Delaroche et Ary Scheffer. Le premier a envoyé son chef-d’œuvre, la Mort du duc de Guise, qui, soit dit en passant, fait, comme couleur, une figure assez noire et lourde; il y a joint une réduction de l’Hémicycle, dont la touche semble dénoter une autre main que la sienne. M. Scheffer a fourni six tableaux, et dans le nombre, deux excellentes reproductions de la Françoise de Rimini et du Larmoyeur, bien connus l’un et l’autre pour l’émouvante tristesse que le peintre exprime avec tant de sentiment. M. Decamps n’a qu’une petite toile, et nous regrettons qu’elle soit un très faible échantillon de l’un des plus remarquables génies de l’école. Les deux tableaux de M. H. Vernet sont sa Chasse au Moufflon et une composition fantastique, l’Ame purifiée par la Mort. Nul n’ignore la singulière puissance que possède M. Vernet pour faire revivre sous sa brosse toute la création animale, depuis les espèces les plus infimes jusqu’à l’homme; mais sa souveraineté ne s’étend qu’aux manifestations matérielles de la vie et au monde extérieur, et sa tentative mystique est une méprise. Quand nous aurons dit que deux petites peintures sont tout ce qui parle de M. Delacroix, quiconque a pu voir ses magnifiques travaux du Louvre et des deux palais législatifs comprendra sans peine que son envoi