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dynastique dont le traité de Presbourg avait préparé l’avènement prochain.

Lorsque Napoléon confiait à son frère le commandement en chef de l’armée destinée à s’emparer de Naples, et qu’il le nommait son lieutenant dans ce royaume, laissant très clairement percer ses intentions définitives, il entendait bien moins assurément servir les intérêts des membres de sa famille que faire de ceux-ci les soutiens d’un système européen dont des royautés nouvelles étaient dans sa pensée les supports nécessaires. Joseph, le plus en vue par son importance personnelle entre les quatre frères de Napoléon, le plus dévoué en même temps que le plus soumis, se trouva donc, sous peine de rompre comme Lucien toute relation avec un homme auquel il avait voué autant d’admiration que de tendresse, conduit à devenir l’agent principal au dehors d’une politique qui, tout en paraissant servir les intérêts de son élévation personnelle, ne s’inspirait en réalité que d’une seule pensée : politique égoïste qui n’admettait pour personne ni le droit de la contredire, ni le droit de la conseiller, et qui, en poussant ses instrumens au sommet de toutes les grandeurs, infligeait à la dignité de ces rois de théâtre les épreuves les plus cruelles et les plus douloureuses humiliations.

La conquête du royaume de Naples s’opéra presque sans résistance dans les premiers mois de 1806, et le roi Ferdinand, réfugié en Sicile sous la protection d’une armée anglaise, ne compta plus de défenseurs que dans la forte place de Gaëte et dans les inaccessibles montagnes des Calabres. L’heureuse issue de cette expédition fut amenée par les habiles dispositions militaires de Masséna et Reynier, et Joseph assura le succès de nos armes par sa modération et sa bienveillance envers un pays dont toute l’Europe savait qu’il était appelé à placer la couronne sur sa tête. Le futur roi de Naples fît des efforts persévérans pour rétablir les traditions de la discipline et de l’honnêteté dans cette glorieuse armée d’Italie, dont les plus illustres chefs venaient de donner de tristes exemples de cupidité. Il s’efforça d’épargner aux vaincus la plupart des maux et des humiliations attachés à la conquête; aussi monta-t-il sur le trône avec l’assentiment non équivoque de la plus grande partie de la noblesse et du clergé, avec celui de la totalité de la bourgeoisie napolitaine. La situation des choses à Naples différait essentiellement de celle qu’il était malheureusement destiné à rencontrer en Espagne deux années plus tard. L’expédition française, provoquée par une violation flagrante des traités, avait été parfaitement légitime, au moins dans sa cause. Le but en était connu et avoué bien avant qu’elle ne s’accomplît, car dès la fin de 1805 le Moniteur avait annoncé au monde, avec la concision d’un arrêt du destin, que la maison de Naples allait cesser de régner. S’il pouvait paraître imprudent, dès l’avènement de l’empire, de