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pour l’avenir l’incompatibilité d’humeurs entre les deux pays. La monarchie française, sous ce rapport, traitait ses sujets futurs comme ses sujets actuels, et disons-le même, elle était moins rude et moins impitoyable pour ses grands vassaux externes en quelque sorte que pour ses vassaux intérieurs et domestiques.

Richelieu, quelque irrité qu’on le suppose contre les princes de Lorraine, n’aurait osé contre eux rien de semblable à ce qu’il fit contre les plus grands noms de la noblesse de France; c’est que dans la vive attaque à l’aristocratie le respect aux souverainetés, même aux plus petites, se conservait encore tout entier. La monarchie française, avant de conquérir au dehors les annexes, même les plus voisines et les plus accessibles, avait besoin de subjuguer au dedans toute force rebelle et tout reste de féodalité indépendante et de privilèges hautains ou réfractaires : elle affermissait son unité avant de prendre toute son étendue naturelle.

C’est la réflexion qui frappe à la lecture des détails, d’ailleurs si curieux et parfois si neufs, que donne l’auteur sur l’administration du duc Henri II, après Charles III, et sur l’avènement et les premiers actes de Charles IV : c’est la vérité que font partout ressortir ses relations et ses luttes avec la cour de France, ses velléités timides de coalition avec l’Angleterre, ses soumissions sous la pesante main de Richelieu, sa campagne forcée à notre suite en Allemagne avec les troupes qu’il avait intentionnellement équipées contre nous, ses embarras, sa faiblesse et son petit rôle devant la grande figure de Gustave-Adolphe, ses cessions partielles à la France, et finalement son abdication inutile en faveur de son frère le cardinal de Lorraine, second du nom et de titre, sans l’être de génie. Dans toute cette complication d’événemens si bien démêlés par l’historien, il ne nous a paru manquer qu’une chose, un héros. En vérité, Charles IV ne peut prétendre à l’être, malgré ses succès de jeunesse à la cour de France, son air guerrier, ses qualités brillantes, sa prodigieuse adresse à tous les exercices du corps. M. d’Haussonville en fait un portrait vivement touché, à la manière de Salluste; mais il ne suffit pas de dire de ce prince comme de Catilina : Corpus patiens inediœ, vigiliœ, algoris suprà quâm cuique credibile, etc. Animus audax, subdolus, varius, cujus rei libet simulator ac dissimulaior, etc., alieni appetens, sut profusus, ardens in cupiditaiibus. — « Personne mieux que lui ne faisait de son corps ce qu’il voulait : il l’avait habitué au travail et rompu à la fatigue. Ni le froid, ni le chaud ne lui importaient, ni la faim, ni la soif, etc. Il était profondément sagace et prompt à apprendre ce qu’il avait intérêt à connaître, etc. Chez lui, le don et une sorte de divination naturelle suffisaient si bien à tout, qu’il semblait ne rien ignorer. » Et ailleurs encore : « Il