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conventions et recevoir de sa main les présens d’usage. Baïan avait composé cette ambassade de jeunes gens fiers, hardis et de belle apparence et leur avait donné pour chef un certain Targite, personnage important dont il sera souvent question dans la suite de ces récits. Justin, qui avait préparé pour ses débuts impériaux une scène théâtrale et une harangue, ne fit point attendre les ambassadeurs, qui reçurent audience peu de jours après leur arrivée. Un poète, témoin oculaire, nous a laissé le tableau de cette réception solennelle et du cérémonial auquel les envoyés avars se trouvèrent soumis. En le reproduisant ici, je ne ferai guère que traduire les vers du poète, dont le nom est Corippus ; on trouvera peut-être qu’indépendamment de l’intérêt qui les recommande au point de vue de l’histoire, ils ne sont dénués ni de mérite littéraire, ni même d’un certain éclat de poésie.

« Dès que le prince, vêtu de sa pourpre, a monté les degrés du trône, le maître des cérémonies, ayant pris ses ordres, va ouvrir aux ambassadeurs l’intérieur du palais sacré… Cette fière jeunesse parcourt avec étonnement les vestibules et les longues galeries qui précèdent la demeure des césars. À chaque pas, elle s’arrête, elle admire la haute stature des guerriers rangés en haie, leurs boucliers d’or, leurs lances d’or, surmontées d’une pointe d’acier, et leurs casques d’or, d’où retombe un panache de pourpre. Elle tressaille involontairement quand elle passe sous le tranchant des haches ou le fer acéré des piques. Cette pompe éblouit les jeunes barbares, et ils se demandent si le palais des césars n’est pas un autre ciel ; mais à leur tour ils sont fiers qu’on les admire, et les regards fixés sur eux leur chatouillent le cœur. Ainsi, quand la nouvelle Rome donne un spectacle à ses peuples, on voit des tigres d’Hyrcanie, amenés la chaîne au cou par leurs conducteurs, gémir d’abord avec un redoublement de férocité, puis quand ils sont entrés dans l’amphithéâtre, dont les gradins disparaissent sous un épais rideau de spectateurs, ils promènent en haut leurs yeux ébahis, et la peur leur enseigne à s’adoucir. Ils ont déposé toute leur rage, ils ne se révoltent plus contre leurs chaînes, mais d’un pas étonné ils arpentent le terre-plein du cirque, attentifs à la foule qui les applaudit. On dirait qu’ils s’étalent aux regards avec complaisance et qu’ils en marchent plus superbes… Mais voici le voile qui ferme la salle des audiences impériales ; il s’entrouvre, et l’on aperçoit les lambris étincelans de dorure, le trône et le diadème brillant sur la tête de césar. À cette vue, Targite plie le genou trois fois et salue l’empereur le front contre terre ; les autres se prosternent à son exemple, et le tapis de la salle est inondé des flots de leurs chevelures. »

Le poète ajoute que l’orateur de l’ambassade ayant entonné, comme