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était un roi des Avars, que les Avars avaient envahi la Gaule et menacé Rome, dont ils s’étaient ensuite éloignées à la prière du pape saint Léon. Ce ne sont pas seulement des poètes qui s’expriment ainsi, mais de graves historiens instruits des faits, et qui se pliaient sciemment à l’idée populaire. La politique tenait aussi le même langage, et nous la verrons dans une circonstance importante, où l’épée gallo-franke sortit du fourreau, faire payer rudement aux kha-kans avars la dette de leur prédécesseur Attila. Telle fut l’opinion qui s’établit dans l’Europe civilisée, et qui tendait à rejoindre et à ressouder les deux tronçons de l’empire hunnique. Quant aux Ouar-Khouni, ils semblent avoir compris à merveille le rôle qu’ils étaient appelés à jouer. Ce peuple, qui avait usurpé en Orient un nom étranger, parce que ce nom était redouté, et qui s’affublait de la gloire des Avars, ses anciens maîtres, aurait-il répudié celle des premiers Huns ses frères et la puissance morale attachée au nom d’Attila ? Cela n’est pas croyable. On le voit au contraire s’étudier à ranimer des souvenirs traditionnels qui étaient une force et un honneur pour lui. Baïan place son camp royal entre la Theïsse et le Danube, aux lieux où s’élevait le palais du conquérant ; c’est de là qu’il domine les Slaves, les Bulgares et le resté des Huns, qu’il provoque les Franks austrasiens, et qu’il fait entendre à Justin à le langage d’Attila aux fils de Théodose.

Ce fut une bonne fortune pour les nouveaux Huns d’avoir à leur tête un homme tel que Baïan. Sans le génie de ce fondateur d’empire, ils auraient peut-être flotté un demi-siècle ou un quart de siècle dans les plaines du Danube, comme les sujets de Balamber, avant de prendre une assiette solide et de faire des conquêtes durables. Baïan les fixa dans une position formidable, qui entamait l’empire romain sur deux points, dominait la Slavie, et laissait leurs communications libres avec les tribus de leur race sur le Caucase, la Mer-Caspienne et le Volga. Les Slaves, après quelques résistances, finirent par se reconnaître leurs tributaires. Les Bulgares conclurent, avec eux des alliances qui ressemblaient fort à un servage, et les kha-kans les traitèrent effectivement comme des sujets. Ces deux peuples, les Bulgares et les Slaves, furent d’utiles instrumens de conquête pour les Avars, non pas seulement par les soldats qu’ils pouvaient fournir, mais encore par les colonies qu’ils fondèrent au profit de leurs maîtres dans les provinces du Danube et dans celles de l’Adriatique. Les Coutrigours furent employés aussi à cet usage, ainsi qu’on l’a vu plus haut, et voici comment s’opérait cette colonisation forcée. Les Avars prenaient dix ou quinze mille Slaves par exemple et les poussaient devant eux sur un point du territoire romain, où ils devaient se défendre et s’établir sous peine