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simple, comme celui de tous les peuples pasteurs. On remarque cependant que le pouvoir du kha-khan n’était pas unique et absolu, et qu’à côté de ce chef de l’armée et des relations politiques se trouvait un autre chef représentant le gouvernement de la nation sous certains points de vue, et dont les fonctions pouvaient être analogues à celles du grand-juge chez les tribus hongroises. Ce second magistrat prenait chez les Avars le titre de ouigour ou iougour, qui reporte naturellement notre pensée à l’origine ougourienne des Ouar-Khouni. Produite vraisemblablement par un mélange d’Ougours et de Huns occidentaux, la fédération des Ouar-Khouni aura voulu, dans le principe, garantir chacun de ces élémens par une représentation distincte, en leur donnant des chefs séparés. L’historien Théophylacte nous dit en effet que de son temps, c’est-à-dire au VIe siècle, on distinguait dans la nation avare, les Ouar et les Khouni, qu’il appelle Khéounni. Plus tard, quand la fusion se fut opérée, et que les deux races n’eurent plus besoin d’une protection particulière, la dignité de ouigour changea de caractère ; elle resta comme une haute magistrature placée au-dessous et près du kha-kan, chef suprême de toute la nation.

Un des premiers soins de Baïan après son installation dans la Hunnie avait été de sonder la force de tous ses voisins, et particulièrement de ses voisins du côté de l’ouest, les Franks austrasiens, dont les possessions s’étendaient jusque dans le Norique, qui commençait alors à porter le nom de Bavière. Les Franks austrasiens avaient, comme on se le rappelle, battu les Avars cinq ou six ans auparavant dans les montagnes de la Thuringe ; impatient de prendre une revanche, Baïan entra sur leur territoire, où il se trouva face à face avec ce même Sigebert qui avait vaincu son prédécesseur. Les deux armées se mesurèrent encore une fois, mais avec un résultat tout différent du premier : ce furent les Franks qui s’enfuirent après avoir jeté bas leurs armes, et le roi Sigebert, un instant prisonnier, n’échappa à ceux qui le tenaient qu’en leur distribuant les trésors renfermés dans ses chariots. On expliqua cet événement par des raisons puisées dans les préjugés du temps, c’est-à-dire par la sorcellerie dont on accusait les Avars comme tous les peuples asiatiques. « Au moment d’en venir aux mains, nous dit l’historien des Franks, Grégoire de Tours, les Huns, experts en magie, fascinèrent leurs ennemis par des apparitions fantastiques, et remportèrent aisément la victoire… » Sigebert, ravi d’en être quitte malgré sa défaite, envoya des présens au roi des Huns, qui lui rendit la pareille. « Ce roi se nommait Gaganus, nous dit encore Grégoire de Tours, et c’était là le nom de tous les rois de ce peuple. — Les deux ennemis firent la paix et jurèrent de ne se plus livrer bataille pendant toute la durée de leur vie. »