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virtuose à abandonner la prétention de vouloir imiter ce que la nature lui a refusé. M. Lucchesi se tire à merveille du rôle si difficile du féroce Corradino, ainsi que M. Gassier de celui du docteur. Puisque nous sommes dans un jour de clémence, n’oublions pas M. Rossi, qui, dans le rôle du poète affamé, ne fait pas trop de grimaces. L’ensemble de l’exécution est parfait, et si le Théâtre-Italien nous donne souvent de pareilles représentations, nous lui présageons une campagne aussi brillante que fructueuse.


P. SCUDO




A PROPOS DE VÉRONÈSE ET DE RUBENS.

En réponse à un passage de mon article sur Rubens relatif aux Noces de Cana de Paul Véronèse, le directeur des musées adresse au directeur de la Revue la lettre suivante :

Palais du Louvre, le 26 octobre 1854.


Monsieur le directeur.

Hier seulement j’ai eu connaissance d’un article intitulé Rubens, sa vie et ses œuvres, publié par M. Gustave Planche dans le numéro du 15 octobre de la Revue des Deux Mondes.

M. Planche (en parlant, page 227, des Noces de Cana de Paul Véronèse) dit que ce chef-d’œuvre a subi l’outrage d’une restauration.

Déjà, dans la même Revue, M. Planche avait inséré, le 1er août 1851, un long acte d’accusation contre les lessivages, ponçages, savonnages, dont l’administration des musées s’était rendue coupable à l’égard de plusieurs peintures italiennes et flamandes.

Je ne crus pas à cette époque devoir répondre à des critiques aussi malveillantes que peu fondées ; mais comme mon silence pourrait être mal interprété, et que les attaques se renouvellent, je suis décidé à y mettre un terme en donnant chaque fois un démenti formel à renonciation de tous faits matériellement faux.

Le tableau des Noces de Cana n’a subi aucun outrage, n’a point été restauré : il a été sauvé, par un rentoilage habile et indispensable, d’une ruine prochaine et inévitable.

La toile des Noces de Cana, partagée transversalement en deux parties à peu près égales à la hauteur de la balustrade qui règne dans le fond, était tendue sur deux châssis juxtaposés. Les liens de fer qui les retenaient ayant cédé, un des châssis se trouvait en surplomb sur l’autre. Un pli fort désagréable s’était formé dans toute la longueur, et le mastic couvert de peinture qui dissimulait la ligne de jonction était tombé en grande partie.

En outre des boursouflures commençaient à se manifester et menaçaient de s’étendre. Après un examen approfondi de l’état du tableau, il fut décidé, afin d’arrêter les progrès du mal et de faire disparaître le pli, qu’on rentoilerait le chef-d’œuvre du maître vénitien, et qu’on l’appliquerait sur une seule toile tendue sur un châssis unique.

Ce rentoilage, qui présentait de grandes difficultés en raison de l’énorme