Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/854

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

opinions et ses calculs. On a conservé du temps où il était encore écolier de détestables vers français de sa façon, où il oppose la vertu méconnue de lord Bute à l’injuste popularité de Chatham, et la paix de 1763 à la gloire funeste de la guerre de sept ans[1]. La première fois qu’on l’avait conduit au parlement, c’était pour y entendre la chambre déclarer infâme et séditieux le fameux numéro 45 du journal de Wilkes, et il s’était passionnément associé aux colères de la majorité (novembre 1763). Lorsqu’il dut y entrer pour son compte, il y trouva le cabinet du duc de Grafton aux prises avec les suites interminables de cette malencontreuse affaire, et comme personne n’éleva contre lui l’objection d’âge, il put se jeter aussitôt, avec la fougue de la jeunesse et de sa nature, dans les rangs de l’armée ministérielle et dans la mêlée du combat. La seconde fois qu’il parla ce fut pour appuyer, après son frère Stephen, l’expulsion de Wilkes. Son talent éclata dès son premier discours ; mais sa manière franche et assurée surprit un peu (avril 1769). « Charles Fox, dit Horace Walpole, avec une supériorité infinie de talent, n’a pas été inférieur à son frère en insolence. » La majorité appela cette insolence fermeté, et il fut placé au premier rang des espérances de la patrie ; aussi à la prochaine session passa-t-il des troupes volontaires dans les troupes soldées, et peu de jours après avoir provoqué, en attaquant Wilkes de nouveau, les murmures approbateurs de la chambre, il fut nommé un des lords de l’amirauté dans le ministère de lord North, qui avait succédé au duc de Grafton (24 février 1770).

L’usage n’imposait pas alors une solidarité absolue ni un accord systématique à tous les membres d’une même administration ; chaque ministre tendait à s’isoler dans son département. Le roi poussait à cela, et North le tolérait. Fox profita de cette sorte d’indépendance pour faire de son chef diverses motions que le gouvernement n’eût pas autorisées ; mais sur les questions où la politique du cabinet était en jeu, il ne se distingua des ministres que par son ardeur ; son zèle

  1. Longtemps du peuple Pitt, favori adoré,
    Les méprisant toujours, en fut toujours aimé.
    Le peuple malheureux…
    Loua de ses projets le détestable auteur,
    Content d’être perdu pourvu qu’il fût vainqueur.
    Et chantant de leur Pitt la vertu si vantée.
    De la Chine au Pérou étend sa renommée.
    Tandis que de son prince véritable ami.
    Bute vivait toujours vertueux et haï.
    En vain il terminait par une paix heureuse
    Une guerre à la fois funeste et glorieuse…
    Recevez ce portrait, cher Nicole, d’une terre
    Que je rougis en effet de nommer ma mère.