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« Pour nous, écrivait Fox à Fitzpatrick avant d’être ministre, qui espérions jouer quelque rôle sur la scène du monde, et qui avions du moins notre part individuelle de la grandeur du pays, il est un peu dur d’être obligés de rabattre nos espérances et nos vœux à nous montrer capables de guérir d’une façon quelconque les plaies que d’autres ont faites, et de mettre ce pays, qui était le premier de l’Europe, sur le pied d’être une des nations du monde... Pour qui eut jamais de l’ambition, bon Dieu! qu’est-ce que cela ? En vérité, il est intolérable de penser qu’il ait été au pouvoir d’un blockhead (une tête de bois) de faire autant de mal. »


Ce blockhead n’aidait guère, comme on le conçoit, à réparer ses fautes. Les difficultés des négociations lui paraissaient la juste punition des négociateurs, et il n’était pas fâché que la paix humiliât ceux qui l’avaient voulue. En même temps qu’il se prêtait peu aux concessions nécessaires, il s’attachait peu aux compensations possibles. Fox voulait d’une part une déclaration franche et de bonne grâce de l’indépendance de l’Amérique, et de l’autre un système d’alliances européennes qui tempérât la prépondérance française. Il s’en ouvrit au vieux roi de Prusse, et vit avec sagacité que ce rapprochement devait être la base de la politique anglaise. Il prit très au sérieux ses fonctions de secrétaire d’état, et dans ce qu’on nous livre de sa correspondance, il montre un esprit étendu et vigilant qui regarde au loin et songe à l’avenir; mais en travaillant au traité qui devait pacifier les deux mondes, il rencontra la discorde dans le cabinet, ou tout au moins une difficulté intérieure qui devait en abréger la durée, et par ses effets exercer une longue influence sur les destinées de l’Angleterre et de l’Europe.

Les nouveaux Mémoires nous font entrevoir la façon dont se conduisent les affaires en Angleterre. Le cabinet, qui n’est en droit qu’un comité du conseil privé, délibère régulièrement. On tient note de ses décisions rendues sous la forme d’une injonction au ministre compétent. Celui-ci rend compte au roi s’il y a lieu, et généralement par lettre. George III répondait par écrit. Les choses se passent encore à peu près de même. On imprime des ordres du jour et des pièces pour préparer les délibérations du cabinet, et telle est la discrétion anglaise que jamais ces documens ne s’échappent jusque dans les mains du public. Le temps seul permet d’en divulguer quelques-uns, et nous avons sous les yeux plusieurs des courts procès-verbaux du conseil et une partie de la correspondance du roi et de son ministre. On peut donc maintenant connaître avec la dernière exactitude ce qui s’est passé.

Pendant longtemps, deux secrétaires d’état avaient eu chacun par moitié la direction de la diplomatie britannique, l’un au nord, l’autre au midi. Au département du midi étaient réunies l’Irlande, les