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Tel me paraît aussi être le résultat général des recherches, déjà fort nombreuses, dues à une foule de naturalistes. Sans doute, et surtout lorsqu’il s’agit des animaux supérieurs, l’accord est loin d’être parfait; mais dans bien des cas on peut expliquer les divergences en supposant que chaque observateur a vu seulement certaines phases d’un phénomène complexe dont l’ensemble lui échappait. Pour saisir cet ensemble, il est nécessaire de recourir aux espèces inférieures, et encore faut-il choisir. Une coque non transparente, l’opacité du jaune, trop de lenteur dans les modifications de forme et de texture seront autant d’obstacles souvent insurmontables. C’est pour avoir trouvé, parmi les annélides et les mollusques, des animaux à transformations rapides et à œufs transparais, que j’ai pu distinguer les phénomènes dus à la vitalité propre du germe de ceux qu’entraîné la fécondation, déterminer toute une période jusque-là méconnue, et constater le fait bien extraordinaire d’une coque devenant la peau même de l’animal. Les lecteurs de la Revue comprendront qu’il s’agit des hermelles et des tarets dont j’ai esquissé l’histoire dans un chapitre de mes Souvenirs d’un Naturaliste[1]. Amour-propre d’auteur à part, et par cela seul que les premiers temps de leur embryogénie sont le plus complètement connus, je prendrai ces espèces pour terme de comparaison. À ce que nous apprendra l’étude des hermelles et des tarets, j’opposerai les principaux résultats obtenus chez les mammifères, laissant entièrement de côté les ovipares ordinaires, dont l’embryogénie, au point de vue qui nous occupe, n’aurait qu’un médiocre intérêt.

Chez la hermelle et le taret, l’œuf, qu’il soit ou non fécondé, devient le siège de mouvemens intérieurs qui n’altèrent en rien sa forme générale, et dont on ne peut juger que par transparence. Une force mystérieuse agite le jaune, en accumule les granulations tantôt sur un point, tantôt sur un autre, tout en respectant la surface extérieure, et dessine ainsi dans la masse des ombres dont l’apparence change à chaque instant. Admettons que des mouvemens de même nature se passent dans l’œuf des mammifères, et nous expliquerons comment MM. Barry et Bischoff, malgré tout ce qu’ils ont mis de savoir et d’habileté dans leurs recherches, n’ont pu toujours être d’accord, comment le dernier surtout a rencontré parfois des œufs d’un aspect tout exceptionnel. La lenteur des modifications imprimées au jaune, l’impossibilité d’une observation prolongée, rendent aisément compte de ces apparentes contradictions. En réalité, très probablement, les phénomènes sont identiques[2] .

  1. Livraison du 15 mars 1850.
  2. Quelques-uns des dessins publiés par MM. Barry et Bischoff m’ont rappelé presque complètement les apparences passagères que j’avais observées surtout dans les œufs de hermelles. Grâce à la rapidité des phénomènes chez ces dernières, j’ai pu voir ces apparences s’effacer et être remplacées par d’autres (Annales des Saintes naturelles, 1848). Je n’ai donc eu à attacher d’importance qu’au fait général. Privés de cet avantage, mes confrères n’ont pu agir comme moi. Au reste, depuis la publication de mon mémoire sur l’Embryogénie des hermelles, tout ce que j’ai fait connaitre à cet égard a été confirmé.