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est placée la citadelle, ou bien n’ont vu que le port Lion (le Pirée), où il ne reste que quelques maisons qu’ils prennent pour les masures mêmes d’Athènes, qu’ils s’imaginent avoir été situées au bord de la mer.

« Du Pinet ne lui veut pas faire l’honneur de l’appeler autrement qu’un château avec un méchant village, qui n’est pas assuré des loups et des renards. Laurembergius, dans sa description de la Grèce, s’exprime par une manière de parler oratoire trop véhémente. Il y a eu, dit-il, une Grèce, il y a eu une Athènes ; maintenant il n’y a plus d’Athènes dans la Grèce, ni de Grèce dans la Grèce même. Ortelius, dans ses Synonymes géographiques, avec une témérité digne d’un géographe qui croit de voir et de mesurer toute la terre sans sortir de son cabinet, dit qu’il ne reste à Athènes que quelques chétives maisons ou plutôt quelques huttes. »

Spon ne se doutait point alors qu’il partirait à son tour pour la Grèce, et qu’il encourrait des reproches non moins graves, plus graves encore, parce qu’on avait le droit de lui demander beaucoup plus qu’à ses devanciers. Et cependant tous les documens antérieurs à la fin du XVIIe siècle, les meilleurs comme les pires, même les plans incomplets, les récits puérils, les dessins ridicules, les témoignages suspects, nous les recherchons avec avidité dans les bibliothèques, dans les archives, dans les portefeuilles privés ; nous les examinons avec la patience et la subtilité du juge qui interroge les témoins de manière à tirer d’eux la vérité qu’ils ignorent ; nous retournons chaque mot de nos auteurs, nous sondons leurs idées, nous espérons, à travers ce qu’ils ont vu, découvrir ce qu’ils auraient dû voir. Pourquoi ce commerce plein d’égards avec des esprits qui n’en sont pas toujours dignes ? Pourquoi cette étude d’impressions parfois grossières, de textes qui justifient peu notre intérêt ? C’est qu’avant 1656 la foudre n’avait point détruit les Propylées, c’est qu’avant 1687 une bombe vénitienne n’avait point fait sauter le Parthénon ; c’est que les pèlerins des siècles précédens avaient trouvé entiers, dans la fleur d’une beauté qui promettait d’être éternelle, les marbres où respirait le génie de Mnésiclès, d’Ictinus et de Phidias. Ne semble-t-il pas que les érudits, que les artistes, que les voyageurs d’une époque privilégiée vont nous décrire tant de splendeurs ? Leurs livres, leurs notes, la feuille échappée de leur album, ne feront-ils pas revivre les chefs-d’œuvre qui ne sont plus aujourd’hui que des ruines ?

Telle est la pensée qui a conduit M. de Laborde à recueillir par toute l’Europe les documens sur Athènes aux XVe, XVIe, XVIIe siècles. Il appartenait à l’historien du Parthénon de préparer par de telles recherches l’ouvrage qu’il a commencé ; il appartenait surtout à une