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surtout des mammifères domestiques. Nous savons que le cheval vit à peu près vingt-cinq ans, le chameau quarante, le cerf de trente-cinq à quarante, le bœuf de quinze à vingt, le chien de dix à douze, le chat de neuf à dix. La vie du lion est environ de vingt ans, celle du lièvre et du lapin de sept ou huit, celle du cochon d’Inde de six à sept. Les très grands animaux, l’éléphant, l’hippopotame, le rhinocéros, la baleine, vivent probablement un temps beaucoup plus considérable. On voit toutefois, par ces exemples, que la plupart des êtres qui se rapprochent de nous sous le rapport de leur organisation sont loin d’avoir une existence aussi longue que la nôtre, « ce qui rend bien injustes, dit Haller, nos plaintes continuelles sur la brièveté de la vie. »

C’est de l’homme seulement que nous voulons nous occuper ici. Où en sont les recherches scientifiques sur la durée de sa vie ? Avant tout, il est bon d’écarter une cause de confusion dont ne se sont pas assez préoccupés les divers physiologistes. Les uns fixent le terme de la vie humaine à 70 ans, d’autres à 80 ou à 90, d’autres enfin au-delà de 100 ans. Cette divergence d’opinions nous parait tenir principalement à ce qu’on a presque toujours confondu la vie ordinaire avec la vie naturelle ou normale. Pour se former une idée exacte et complote de la durée, de la vie, il est nécessaire de l’envisager sous différens aspects. Elle peut présenter quatre modes particuliers dont il importe de tenir compte. Nous devons bien distinguer la durée moyenne, la durée ordinaire, la durée naturelle et la durée anormale.

La vie moyenne s’obtient en divisant la somme d’années qu’a vécues une grande quantité d’individus décédés à tout âge par le même nombre d’individus. Elle résume par conséquent les effets désastreux des maladies, des accidens et de toutes les causes susceptibles de déterminer la mort. Le chiffre qui l’exprime indique le nombre d’années que le nouveau-né a chance de vivre.

Nous entendons par vie ordinaire l’espace de temps que parcourent les individus échappés aux dangers de la jeunesse et de la virilité. Elle se termine à l’âge auquel parviennent habituellement ceux qui ne sont pas déjà morts avant le commencement de la vieillesse. C’est en quelque sorte la vie moyenne des vieillards.

La vie naturelle ou normale représente la durée que Dieu a accordée à l’espèce en la créant. Elle se termine par l’effet de la vieillesse seule, et les limites entre lesquelles ce terme est marqué traduisent la loi même de la durée de la vie ; mais comme ces limites seront atteintes par ceux-là seulement qui pourront entièrement se soustraire à l’influence continue des diverses causes troublantes, la loi ne s’accomplira qu’imparfaitement. Il pourra même arriver que ce qui est bien certainement la règle naturelle semblera par le fait ne plus être que l’exception.

Quant à la vie extraordinaire ou anormale, c’est une déviation de la loi, agissant en sens inverse de la déviation produite par les morts prématurées, mais qui ne compense pas celle-ci d’une manière notable. Elle indique la limite extrême et exceptionnelle, au-delà de laquelle il n’y a plus que l’impossible.

La durée de tout être vivant devrait être examinée sous ces quatre points de vue ; jusqu’à présent cette recherche n’est praticable d’une manière complète que pour l’homme et même pour l’Européen. C’est par la statistique