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à se placer sous l’Influence des astres. Que sont devenus les baquets de Mesmer, la panacée universelle de Paracelse, les élixirs de Cagliostro, le thé du comte de Saint-Germain ? L’expérience a fait justice de tous ces remèdes chimériques, aussi bien que des préparations d’or, de perles, de pierres précieuses, d’ambre et de bezoar, que Bacon recommandait encore comme les substances les plus propres à prolonger l’existence.

Tant qu’on n’a vu dans la vie qu’une opération purement physique et chimique, on a pu croire sans trop de déraison qu’il serait possible de déterminer des conditions capables de la retarder et par suite d’en changer la durée. C’est ainsi que Hufeland, après avoir posé divers principes sur la nature de ce phénomène tel qu’il le comprenait, en a tiré des règles à observer dans le régime habituel, et a pensé constituer de la sorte une science particulière, la macrobiotique ; mais il y a autre chose dans l’organisme humain que le simple concours des forces qui régissent la matière inerte, il y a de plus cette force mystérieuse dont la nature nous échappe, et que, sans la connaître, nous appelons force vitale. On concevrait difficilement que l’homme pût reculer les limites de la vie lorsqu’il ignore la cause même de ses manifestations. Renonçons donc à l’espoir de prolonger notre durée normale. Tout ce que pourra faire l’avenir, ce sera d’écarter de nombreuses causes de mort et portant d’accroître les jours des individus. On peut lutter contre l’âge aussi bien que contre, la maladie, a dit Cicéron, et cela est vrai jusqu’à un certain point. Plus la médecine, l’hygiène et surtout la physiologie se perfectionneront, et plus nous devrons approcher de ce terme fixé par la nature auquel le petit nombre seulement a atteint jusqu’à présent La vie moyenne s’allongera, et il ne sera plus si rare de voir la mort déterminée par la vieillesse seule. Cet état de choses est probable, parce qu’il n’est que le développement de la loi de notre durée. La science ne peut rien promettre de plus à ceux qui lui demandent de prolonger la vie. Pour éviter les tentatives superflues, il faut toujours, selon l’expression de Buffon, distinguer l’empire de Dieu du domaine de l’homme. Disons-le avec assurance : la science, ne transgressera jamais les lois de la nature. Comment le pourrait-elle faire, puisqu’elle n’a d’appui et de fondement que dans ces lois mêmes ? Eh bien ! il y a une loi qui règle la durée de la vie, non une loi rigoureuse et absolue, elle se relâche quelquefois et souffre des exceptions ; mais enfin le terme de la vie oscille entre certaines limites et ne franchit pas la limite extrême. Reculer ce terme d’une manière notable, ce serait modifier la loi de notre durée, ce serait envahir l’empire de Dieu, et le pouvoir de la science humaine ne saurait aller jusque-là.


JULES HAIME.