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moindre trace d’une formation cellulaire[1]. Pour les organes musculaires surtout, il ne saurait nous rester de doutes. Nous avons vu des appareils entiers encore uniquement composés de sarcode et pourtant déjà reconnaissables. Dans certains mollusques par exemple, le tube digestif est déjà séparé du blastème général, — l’œsophage, l’estomac, l’intestin, sont bien caractérisés de forme et de position, — qu’il n’existe pas encore de cavité intérieure et à plus forte raison de couches musculaires ou muqueuses. La formation du pied des annélides nous a montré des faits tout pareils. Bien plus, nous avons vu des masses d’apparence exclusivement sarcodique se contracter et produire des mouvemens sans qu’aucun réactif pût y démontrer les fibres qui devaient exister plus tard. Ainsi, dans certains cas, non-seulement la forme, mais encore les propriétés les plus caractéristiques préexistent aux tissus, et ceux-ci prennent naissance immédiatement dans le sarcode, soit par le fait d’un départ, soit par une simple condensation.

Les faits en désaccord avec les idées de M. Schwann sont déjà assez nombreux et le deviendront, croyons-nous, chaque jour davantage, à mesure qu’on y regardera de plus près. Déjà quelques travaux, publiés même en Allemagne, semblent annoncer une réaction. Peut-être alors l’injustice succédera-t-elle à l’engouement. Nous le regretterions pour notre part. Jamais nous n’avons pu reconnaître à la théorie cellulaire ce caractère de vérité absolue et d’application universelle que lui ont attribué son inventeur et quelques illustres adeptes; mais nous n’avons pas pour cela méconnu les grands services qu’elle a rendus. Comme toutes les doctrines générales qui relient ensemble un grand nombre de faits isolés, elle a à la fois éclairé et agrandi le champ des recherches et permis d’embrasser de nouveaux horizons. Plus heureuse d’ailleurs que bien de ses devancières, elle reste vraie en partie, et dès aujourd’hui on pourrait presque lui faire sa part. A quelques exceptions près et sauf quelques points douteux dans le détail desquels nous ne saurions entrer ici, on peut dire que la théorie de M. Schwann s’applique avec raison à tous les tissus les moins complètement organisés du corps animal, à ceux qui limitent les organes, pourvu que les couches en soient suffisamment distinctes. Là est, pour ainsi dire, la liaison

  1. Je dois dire ici que dans un travail très intéressant sur l’anatomie des méduses, un naturaliste qui avait su se faire déjà en Europe une place au premier rang et qui n’en a pas moins abandonné l’ancien monde pour les États-Unis, M. Agassiz, a décrit un de ces rayonnés dont les systèmes nerveux et musculaire seraient entièrement composés de cellules; mais ce fait, très extraordinaire à divers titres, serait par son exagération même tout à fait en dehors des doctrines de M. Schwann.