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Comme toutes ces imputations vagues, propagées par les animosités clandestines, se détruisaient d’elles-mêmes, elle a voulu remonter plus haut, au testament de Ferdinand VII, c’est-à-dire qu’une commission législative s’institue l’arbitre d’un acte civil exécuté sans contestation. Il n’y a point à entrer dans cette enquête ; tout ce qui est à dire, c’est que les faits les plus exagérés, les plus défigurés, quand ils ont été vérifiés, sont devenus des faits tout simples. I, a pension de la reine-mère a été supprimée, et ses biens ont été séquestrés pour répondre de délits qu’on se promet de découvrir ; c’est là jusqu’ici le résultat le plus évident. La reine Christine a été autrefois très populaire au-delà des Pyrénées, et depuis quelques années elle ne l’était plus, cela est certain. Elle n’était pas impopulaire seulement parmi les libéraux extrêmes, ce qui n’aurait eu rien d’étonnant ; elle l’était parmi ceux qui l’avaient toujours soutenue, défendue, et pour lesquels son nom avait été un drapeau. Le changement de condition de Marie-Christine par son second mariage avait pu contribuer au changement dans les dispositions des partis à son égard, en créant autour d’elle des influences ou des intérêts parfois de nature à la compromettre. Il y a eu un jour où elle s’est trouvée entre des amis désaffectionnés et des haines désormais libres de se produire. Si les hommes bien intentionnés et éclairés qui étaient dans le nouveau gouvernement et ailleurs à Madrid eussent été libres d’exprimer leur pensée, ils auraient dit que dans toutes ces accusations il n’y avait rien dont le pays eut à s’occuper, que la gravité de cette question, au point où elle était venue, naissait uniquement de ce que l’impopularité de la reine Christine était une arme empoisonnée perfidement tournée contre la monarchie par les passions révolutionnaires. Malheureusement ces passions avaient leurs intelligences dans le conseil, elles comptaient bien trouver le chemin de l’âme d’Espartero. Pour l’ancien régent, c’était en effet une vieille querelle : il avait vaincu la reine Christine en 1840, il avait été vaincu en 1843 par elle ou par ses amis ; les événemens mettaient de nouveau Marie-Christine à sa merci.

Le premier mouvement du ministère, à son entrée au pouvoir, dès le 3 août, avait été de faire partie la reine-mère ; mais les révolutionnaires, encore en armes, gardaient toutes les avenues du palais. Le général San-Miguel dans une reconnaissance eut à se débattre au milieu d’une tourbe menaçante, et il fallut même que le gouvernement prît un engagement singulier, celui de ne laisser partir la reine Christine « furtivement ni de jour ni de nuit. » La difficulté ne subsistait pas moins tout entière. Il s’agissait de savoir si on laisserait ce gage d’un conflit inévitable entre des cortès qui pouvaient succomber à quelque tentation désastreuse et la reine Isabelle, qui ne