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périodiquement. Le reste du parti est dispersé soit en Espagne, soit hors de l’Espagne ; les divisions des dernières années vivent peut-être encore entre les hommes ; les ressentimens ne se sont point éteints. Il y a un travail nouveau de rapprochement à réaliser sous cette salutaire influence d’une défaite commune. Les passions personnelles ont tué le parti modéré ; c’est par ses idées qu’il peut renaître et retrouver son ascendant. Ces idées n’ont point cessé d’être le véritable symbole de l’Espagne constitutionnelle. Elles ont manifesté leur puissance par l’ordre et la sécurité qu’elles ont donnés à la Péninsule pendant dix ans, et aujourd’hui la révolution même qui règne à Madrid est la consécration la plus éclatante de leur efficacité et de leur valeur. Ce serait d’ailleurs une erreur de croire que dans la décomposition même où est tombé le parti modéré, il ne se trouve point un certain nombre d’hommes faits pour rallier les opinions et les esprits incertains. Il reste encore des hommes comme le général Narvaez, comme M. Pidal, qui, en cherchant à défendre le régime constitutionnel, n’ont point voulu tremper dans une révolution où allaient périr leurs doctrines. C’est là le libéralisme conservateur. Si la réaction ne se fait point sous ce drapeau, qu’on ne s’y trompe point, ce n’est pas la révolution qui restera victorieuse en Espagne, c’est le comte de Montemolin. Les bandes carlistes qui se sont levées dans l’Aragon pourront être dispersées, elles renaîtront jusqu’à ce qu’elles aient triomphé, ou que l’Espagne ait à leur opposer la force d’un gouvernement qui rassure tous les intérêts et raffermisse toutes les institutions. Ce gouvernement, il ne peut se trouver que dans la monarchie actuelle rendue à sa véritable nature et à sa liberté. Tout le reste n’est qu’une intrigue de factions révolutionnaires ou un expédient imposé à la lassitude d’un peuple. Pour la France et pour l’Angleterre, c’est une loi de leur politique d’aider l’Espagne constitutionnelle à sortir encore une fois de cette épreuve et à retrouver la liberté de ses forces, pour entrer dans l’œuvre commune de la défense européenne, au lieu de se consumer dans une anarchie vulgaire.


CH. DE MAZADE.