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peindre un homme. Je n’ai donc à rappeler les événemens que dans la mesure nécessaire pour faire comprendre comment cet homme, à la suite d’une crise qu’il n’avait pas prévue et qu’il ne sut point diriger, finit pourtant par dominer tous ses ennemis, en demeurant le représentant obstiné de l’unité du pouvoir devant l’incohérence de tous les projets, l’impuissance de toutes les tentatives et l’impudeur de toutes les trahisons.


III

Deux élémens se produisirent ensemble dans la fronde, pour s’y paralyser mutuellement. Jusqu’à la paix de Paris et à l’emprisonnement du prince de Condé[1], le mouvement fut presque toujours dominé par la magistrature, chez laquelle l’esprit des temps nouveaux était incessamment aux prises avec les doctrines absolutistes qu’elle avait héritées de ses prédécesseurs ; mais lorsque les seigneurs, unis aux parlementaires, eurent fait de ces derniers leurs instrumens, quand Condé fut devenu le chef des armées recrutées par l’insurrection, celle-ci n’articula plus ni un grief public, ni une pensée de redressement. Durant cette seconde période de la guerre civile, dont la violence redoubla avec la frivolité de ses inspirations nouvelles, Mazarin n’eut à compter qu’avec des intérêts particuliers, cyniquement exposés et plus cyniquement satisfaits. Les conférences de Duel, tenues pendant le séjour de la cour à Saint-Germain entre les ministres de la régente et les délégués de l’insurrection, signalèrent le point culminant de l’influence parlementaire dans ces troubles, car après cette période la magistrature servit des idées toujours étrangères et le plus souvent opposées aux siennes.

Dans le colloque dont les incidens journaliers agitaient la bourgeoisie, qui gardait en armes les portes de la capitale, les divers articles promulgués dans la chambre de Saint-Louis furent successivement débattus et acceptés. Les députés du parlement allèrent même jusqu’à régler avec le surintendant des finances les recettes et les dépenses de l’état. Ce droit, tout exorbitant qu’on eût pu le trouver en lui-même, ne souleva pas même d’objection. Mazarin en faisait rarement ; lorsque ses convictions étaient froissées, il ne résistait jamais, parce qu’il se réservait d’échapper toujours, et des engagemens avaient trop peu de valeur à ses yeux pour qu’il trouvât quelque difficulté à les prendre. Il se montra d’autant plus coulant à Ruel, qu’à tout examiner, il s’inquiétait plus de l’armée royale que des milices parlementaires, et que le bonhomme Broussel le préoccupait

  1. 18 janvier 1650.