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transitoires. L’étude détaillée du système vasculaire nous fournirait ici de nombreux et curieux exemples; mais le plus remarquable, sans contredit, se rencontre dans l’appareil sécréteur. Au nombre des parties qui entrent dans sa composition se trouvent les corps de Wolff, ainsi nommés en l’honneur de l’anatomiste qui le premier les a étudiés avec soin. Ces corps, dont la structure rappelle celle des reins et qui semblent chargés de fonctions analogues à celles de ces derniers, se montrent de très bonne heure et s’étendent bientôt presque d’un bout à l’autre du corps, des deux côtés du tube intestinal. Dès que les reins proprement dits sont formés, ils décroissent et disparaissent, si bien que l’on en trouve à peine quelques traces problématiques dans un petit nombre de mammifères adultes. Mais tous les organes chargés ainsi d’un rôle en rapport avec la vie embryonnaire n’ont pas le même sort. Les uns, comme le thymus placé dans la poitrine ou les capsules surrénales qu’on trouve dans l’abdomen, sont seulement frappés d’arrêt de développement et se retrouvent chez l’adulte, bien que leur existence semble être dorénavant sans but; d’autres sont utilisés et appropriés à quelque usage nouveau. C’est ainsi que les vaisseaux chargés seulement de nourrir le poumon du fœtus se changent à la naissance en troncs assez volumineux pour livrer passage à tout le sang que chaque contraction du cœur envoie aux organes respiratoires.

En résumé, épigénèse au début, puis évolution simple ou complexe, formation, modification, développement progressif, arrêt, atrophie, destruction ou appropriation des organes : tels sont les principaux phénomènes que nous présente l’organisme d’un mammifère, depuis l’apparition du germe jusqu’au moment de la mort. Or tous ces phénomènes sans exception supposent dans la matière composante du corps des mouvemens moléculaires continuels. Rapprochons de cette conclusion inévitable ce fait presque général chez les vertébrés, que, jusque dans l’embryon et au moment de la croissance la plus rapide, il existe, comme chez l’adulte, des organes considérables chargés de conduire au dehors la matière désorganisée, et le mot de tourbillon vital se présentera de lui-même à notre esprit. Lui seul en effet rend possibles les faits rappelés plus haut; c’est lui qui apporte les matériaux du nouvel être, qui les distribue et les dispose, tantôt les accumulant sur un point, tantôt les arrachant sur un autre, et produisant ces mille transformations dont nous avons tenté de donner une idée.


A. DE QUATREFAGES.