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ses fautes. Dès le lendemain du massacre de l’Hôtel-de-Ville, la cause royale était gagnée dans tous les esprits, encore que Paris fût occupé par l’armée de M. le Prince, et que M. de Beaufort comptât cette journée au nombre de ses victoires. Il n’était plus de sacrifices auxquels on ne se résignât de grand cœur, pour retrouver, à l’ombre d’un pouvoir incontesté, quelque sécurité pour la France et pour soi-même. Lorsque tant de réformes politiques ébauchées dans la chambre de Saint-Louis avaient abouti par une double pente aux intrigues des grandes dames et aux égorgemens de la place de Grève, il ne restait plus qu’à sacrifier les idées aux intérêts, pour dormir sous l’égide d’une royauté qui, elle du moins, n’avait jamais trahi la France.

Dans cette réaction universelle vers l’ordre monarchique, le nom même de Mazarin avait cessé d’être un obstacle, tant l’impatience était grande et l’entraînement irrésistible. On prononçait ce nom le moins possible, quoique chacun sût fort bien que le retour de la régente dans la capitale entraînerait bientôt après celui de l’homme dont on la savait décidée à ne jamais se séparer. Si pour demeurer, du moins en apparence, conséquent avec lui-même, le parlement rappelait quelquefois ses arrêts antérieurs, insinuant qu’il serait bon, dans l’intérêt de la royauté, que le cardinal s’abstint de reparaître à la cour, c’était avec la double certitude qu’on ne tiendrait aucun compte de ses observations, et que ce ministre, pleinement assuré désormais de reprendre le pouvoir, ne saurait mauvais gré à personne de réserves sans portée sérieuse. Dans cette nouvelle phase de sa vie, Mazarin déploya en effet et la plus grande modération et la plus incontestable habileté. Rentré en France par Réthel après une année d’absence, il rejoignit à Pontoise la princesse qui voyait dans l’objet de ses plus chères affections le représentant du principe monarchique dont la Providence lui avait commis la garde. Trouvant autour de la reine des étrangers et même quelques anciens ennemis, il ne parut pas le remarquer, trop préoccupé du succès pour s’inquiéter de la vengeance. Pour Mazarin, des adversaires désarmés étaient des joueurs maladroits, qu’il n’avait pas la générosité de plaindre, mais qu’il n’avait aucune disposition à condamner. Bien loin de témoigner de l’empressement pour rentrer en vainqueur dans la ville où l’on avait pillé ses meubles, confisqué ses livres, vilipendé son nom et tarifé le prix de ses membres, il voulut, en prenant du temps, donner aux hommes trop compromis de plus grandes facilités pour se mettre en règle avec sa fortune. Il s’éloigna donc encore une fois, par un calcul tout volontaire, pour ne pas créer, par son intervention personnelle, d’obstacles aux négociations alors pendantes entre le roi et la plupart des seigneurs de la faction