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leurs constans imitateurs. Quand les sculpteurs anciens placent la représentation de la forme animale à côté de la représentation de la figure humaine, la première est en général incomplète et prosaïque. Les chevaux de Castor et Pollux à Monte-Cavallo, comme la biche que saisit la Diane de Paris, et le lézard rampant sur l’arbre auquel s’appuie le jeune Apollon Sauroctone, sont traités avec une assez grande négligence ; cette négligence est intentionnelle ; les animaux sont, là un accessoire qui doit être sacrifié au personnage héroïque ou divin. Ainsi le veut la subordination de ce qui est accessoire à ce qui est principal ; c’est la loi de l’art antique. Mais quand les animaux sont figurés pour eux-mêmes, les anciens apportent le plus grand soin à en rendre avec exactitude la pose, la physionomie et le caractère. La Salle des Animaux confirme à cet égard tout ce que la tradition rapporte des merveilles de ce genre opérées par Myron.

Prise dans son ensemble, la sculpture romaine diffère de la sculpture grecque en ce qu’elle est plus lourde, plus froide et plus sèche. Le style grandiose des colosses de Monte-Cavallo a été visiblement inspiré par Phidias ; mais chez Phidias la finesse de l’exécution accompagne la grandeur du style. On n’en peut dire autant de ces colosses, qui, tout admirables qu’ils sont, montrent ce que Phidias aurait perdu à naître Romain, car il y avait à Rome des sculpteurs romains. Parmi tous les noms d’artistes grecs que nous fait connaître Pline, il se trouve un nom latin, celui d’un certain Caponius, qui avait représenté quatorze nations personnifiées. Parmi les personnifications de nations et de provinces conquises trouvées à Rome, il existe peut-être une statue de Caponius. Ce sujet convenait bien au ciseau d’un Romais. Les peuples soumis devaient orner la ville souveraine par les armes, comme les rois vaincus ornaient le char de ses triomphateurs. Certains bas-reliefs représentent ces pompes triomphales elles-mêmes, ceux, par exemple, où Marc-Aurèle paraît en empereur et en sacrificateur. Là tout est simple, austère, grave, tout est fortement et franchement romain.

Mais ce qui est romain par excellence dans les sculptures que Rome a conservées, ce sont les portraits. Je ne parle pas en ce moment des images d’hommes célèbres, elles nous occuperont assez : je parle de cette foule de personnages inconnus, de citoyens sans nom, dont, quand on traverse la grande galerie du Vatican, les visages à droite et à gauche vous regardent passer. Combien l’on est assuré que ces portraits sont ressemblans ! Quelle vérité ! quelle individualité ! Comme l’originalité du personnage est bien empreinte dans ces bustes parfois disgracieux, mais toujours vigoureusement caractérisés, et en même temps comme ces individus si divers ont tous le cachet de la fermeté, du sérieux, de la force ! Comme, pris en masse,