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ni Raphaël, ni le Tasse, ne naquirent à Rome, non plus que Tite-Live, Cicéron, Virgile, Horace, Ovide ; mais, singulière concordance des destinées, tous ces hommes vinrent à Rome des diverses contrées de l’Italie qui leur avaient donné la naissance, attirés vers ce centre tantôt politique, tantôt religieux du monde ; ils y composèrent leurs chefs-d’œuvre, ils y apportèrent leur gloire ou ils y cherchèrent leur tombe. Michel-Ange et Raphaël, nés ailleurs, y ont fait les plus grandes choses qu’il leur ait été donné d’accomplir. Aujourd’hui l’attraction que Rome exerce sur les artistes subsiste, et presque tout ce qui porte un nom illustre en Europe y a passé.

Les temples de Rome furent généralement construits d’après le type des temples grecs, type admirable et qu’il eût été difficile de remplacer, car les Grecs avaient là comme en toute chose rencontré du premier coup la perfection. Qu’imaginer en effet de plus simple et de plus noble, de plus élégant et de plus majestueux qu’un édifice entouré d’un portique et précédé de quelques colonnes qui soutiennent un fronton ? Cette donnée architecturale est tellement heureuse qu’aujourd’hui même encore, après tant de siècles, les peuples placés dans des conditions de civilisation entièrement différentes sont amenés à la reproduire, quelquefois mal à propos, j’en conviens, quand ils veulent bâtir des églises, des hôpitaux, des bourses, des musées, etc., et cela jusque dans ce monde nouveau des États-Unis, qui n’a point les traditions de l’ancien ! Lui aussi ne peut s’arracher à l’imitation des temples grecs, et la transporte partout, jusque dans la construction de ses banques et de ses lieux d’assemblées politiques, auxquels il donne fastueusement le nom de Capitole.

Les Romains, qui déjà imitaient une architecture étrangère, furent les premiers à l’altérer. Ils ne purent conserver dans toute son intégrité la perfection des lignes, les rapports délicats des parties, la symétrie harmonieuse de l’ensemble. Prenez un des monumens romains les plus corrects, le Panthéon. L’angle du fronton est trop aigu pour des yeux accoutumés à la douceur avec laquelle se brisent et se joignent les deux lignes supérieures du triangle dans les frontons grecs. Tous ceux qui ont été en Grèce savent que l’on se surprend à négliger d’aller voir une ruine, en disant avec quelque mépris : C’est romain ; quand on revient d’Athènes, si l’on cherche à Rome non la grandeur, mais la beauté, on est désappointé et injuste.

On construisit bien à Rome quelques temples sur un modèle que la Grèce, je crois, ne fournissait pas, je parle des temples circulaires, consacrés en général à des divinités étrangères au polythéisme grec, telles que Faunus, Vesta, la Terre, le Soleil, qui n’était pas Apollon. De ces édifices, un seul subsiste encore : c’est le joli temple de forme ronde appelé souvent à tort temple de Vesta, et que je crois avoir été dédié au soleil à cause de la tradition qui l’a consacré à celle, comme