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La différence entre les théâtres grecs et les théâtres romains, c’est que les premiers, destinés à des représentations dramatiques dans lesquelles figurait un chœur, avaient besoin qu’en avant de la scène il y eût un lieu destiné aux évolutions que le chœur y exécutait autour de l’autel de Bacchus, tandis qu’à Rome, où le théâtre servait le plus souvent à des comédies, à des pantomimes ou même à des tours d’agilité et d’adresse, où le chœur ne fut jamais, comme celui d’Athènes, une des magnificences publiques, on eut moins besoin de la place qui était réservée à ses danses, et que pour cette raison on nommait orchestre. On fit ce que nous faisons quand le public est nombreux et qu’on lui permet de remplir l’orchestre où nous avons mis les musiciens. L’orchestre, institué primitivement pour placer le chœur, fut abandonné aux personnages considérables. D’après cela, l’aspect d’un théâtre fait voir tout d’abord s’il est grec ou romain, si l’orchestre a été disposé pour y placer des chanteurs ou des magistrats.

La différence qui existait entre l’humeur dissipée des Grecs et l’austère sévérité des Romains se peint par une remarquable diversité dans les usages des deux peuples : les Grecs se réunissaient pour délibérer dans les théâtres ; à Rome, le sénat s’assemblait dans les temples. Il y a plus : le théâtre, pour s’établir, eut à surmonter une forte résistance de la part du vieil esprit romain. Ceux qui étaient le plus fidèles à cet esprit ne voulaient pas que le peuple prit l’habitude de passer là son temps oiseusement à la manière des Grecs. Le premier théâtre qu’on voulut construire avec des sièges fut démoli par ordre du sénat, et Pompée, l’idole des patriciens, n’aurait pu faire asseoir dans son théâtre les spectateurs, s’il n’eût éludé la loi en élevant un temple à Vénus victorieuse au sommet des gradins, qui passèrent ainsi pour les degrés du temple.

Il y avait aussi quelque différence entre le stade grec et le cirque romain, servant tous deux aux courses de chars. Ici encore la principale différence était la grandeur. Le circus maximus avait quatre de ces stades, mesure de distance qui avait donné son nom à l’hippodrome grec. Toute la disposition des courses peut se comprendre parfaitement à Rome au moyen du cirque élevé par Maxence, et qui est encore à peu près intact. On reconnaît parfaitement les carceres d’où partaient les chars et qui sont dirigées un peu obliquement, afin que la distance à parcourir fût la même pour ceux qui étaient placés vers le milieu et ceux qui se trouvaient à l’extrémité de la ligne de départ. À l’autre bout est la porte triomphale par où sortait le vainqueur.

Ce qui achève de nous faire connaître les courses du cirque dans tous leurs détails, ce sont les nombreux bas-reliefs funèbres où, par une allusion naturelle à la carrière de la vie, ces courses sont représentées