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nomenclature particulière. Ses divisions principales sont la production, la distribution et l'échange ; trois livres y ont trait. Les deux autres, qui examinent l’influence des formes sociales et politiques sur la production et la distribution des richesses, ne peuvent guère passer que pour des commentaires. Ainsi au lieu des trois termes admis, production, distribution, consommation, nous avons cette fois la production et la distribution, accompagnées de l’échange ; mais en y regardant de près, et à décomposer les élémens de l’ouvrage, on s’aperçoit que le titre seul a changé : le fond est resté le même. Un autre fait ressort de cet examen : c’est que les avantages de cette modification ne se dégagent pas très nettement ; peut-être eût-il mieux valu s’en tenir au cadre adopté par d’éminens esprits et consacré par la tradition.

Pour M. Stuart Mill comme pour ses devanciers, les trois éléments de la production sont le travail, le capital et la terre. Il distingue le travail improductif du travail productif, le travail direct du travail indirect, l’un produisant les choses qui peuvent être immédiatement consommées, l’autre produisant les matières destinées à une fabrication ultérieure. Au sujet du capital, M. Mill innove peu ; il nous le montre dans ses origines et dans ses fonctions, produit de l’épargne et auxiliaire du travail, obéissant à une loi, non de conservation, mais de reproduction perpétuelle, s’alimentant de sa substance et trouvant des forces dans sa propre activité. Quant à la terre, il n’entend pas par ce mot le sol seulement, mais encore les matériaux et les forces motrices fournis par la nature, les avantages du climat, d’une fertilité plus ou moins grande, de cultures plus ou moins perfectionnées. Puis, cette analyse une fois achevée, il reprend un à un les trois élémens de la production et en étudie la loi d’accroissement, accroissement du travail, du capital et des fruits de la terre. Il recherche comment tous ensemble concourent à une production qui va se développant sans cesse, et dont les progrès sont en raison de la civilisation des peuples. Il remonte aux causes de la puissance productive, causes principales ou secondaires, générales ou locales, — la division du travail, la supériorité d’intelligence, de talent et d’instruction, l’état des mœurs et des lois, la sécurité individuelle, l’emploi des agens mécaniques, l’association des capitaux, enfin la confiance qu’un régime social inspire aux membres de la communauté. Sur toutes ces causes isolées ou réunies, on peut mesurer l’activité d’un peuple, sa prospérité, sa fortune, en un mot sa puissance de production.

Après la production des richesses vient la distribution : c’est dire qu’on entre dans le vif des choses. Dans la production en effet, tout s’enchaîne et se déduit de lois pour ainsi dire fatales, de conditions imposées par la nature. Rien d’arbitraire ni de facultatif ; les