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conduite au dehors. Ces précautions annoncent déjà une clôture assez sévère, et aussi une résistance de la part des femmes ; mais le plus grave inconvénient fut celui-ci, que, séparées de la société, elles contractèrent toutes les petitesses de cette vie de ménage qui leur était exclusivement prescrite. Chez la femme ainsi bornée et matérialisée, les défauts de la faiblesse apparaissent dans tout leur jour : l’autorité devient tracassière et jalouse, la dot apportée devient un reproche et une cause de prétentions insupportables ; la curiosité brûle et cherche à éluder les obstacles ; la femme, que l’exercice libre de sa légitime influence doit élever et fortifier moralement, devient au contraire, dans cette espèce de servitude, par l’étroitesse d’esprit et la vulgarité des habitudes, un être à peu près dégradé, et n’est plus recherchée que pour la conservation de la race et l’accroissement de la fortune. Cet état de la femme fut un des thèmes les plus variés et les plus abondans de la nouvelle comédie grecque. Ainsi, au travail volontaire et aimé, à la retraite également volontaire et respectée, qui avaient fait les deux conditions principales de la vie des femmes à l’époque des mœurs simples et patriarcales, la vie des cités avait fait succéder des nécessités presque serviles ; l’homme et la femme étaient enchaînés l’un à l’autre inégalement et sans harmonie ; la société ne cadrait plus avec la famille, ou la famille ne savait pas encore se mettre en rapport avec les nouvelles circonstances de la société.

Pendant que la femme descendait ainsi, quant à l’intelligence, du rang que la nature lui assigne dans la société domestique, les hommes s’élevaient par un mouvement contraire. C’était le temps où la liberté politique invitait tous les esprits à une culture qu’on n’avait point encore vue dans le monde. Les recherches de la philosophie, le goût des arts, les belles œuvres de l’histoire et de la poésie, l’apparition des génies les plus éminens dans tous les genres, les triomphes du théâtre et des talens oratoires, exaltaient toutes les imaginations. La conversation acquérait cette grâce, cette richesse et cette élévation dont les dialogues de Platon nous ont transmis l’idéal ; mais tout cela restait au dehors et s’évanouissait dès qu’on rentrait chez soi. Ce n’était plus une simple discordance et un chagrin vulgaire seulement qui se plaçaient entre les époux, c’était un abîme qui se creusait de plus en plus large dans la famille. On a souvent cru voir dans cette circonstance la cause principale de l’extrême dépravation de conduite qui se propagea dans les cités riches de la Grèce et qui se répandit partout. Cette explication est probablement la plus vraie. On vit bientôt paraître quelques femmes, plus libres par leur position et par leurs mœurs, ornées de tous les avantages de la civilisation nouvelle, distinguées par l’esprit, les talens