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c’est un grand honneur pour Sergell et pour Pierre Guérin que d’avoir prémuni Fogelberg contre les leçons de Bosio. Dans la figure qui nous occupe, il n’y a pas un détail puéril ; le torse et les membres sont d’une beauté divine et empreints d’une éternelle jeunesse. Pour imaginer cette délicieuse figure, il a fallu que Fogelberg possédât une singulière puissance de réaction. Il n’y a pas en effet un seul morceau qui mérite le reproche de mesquinerie. Quand on compare l’Amour à la Coquille, début de Fogelberg, à la nymphe Salmacis, l’un des derniers ouvrages de Bosio, on demeure stupéfait ; l’intervalle immense qui sépare le maître de l’élève révèle chez le dernier une finesse de perception, une délicatesse de goût, que les plus périlleux enseignemens n’ont pu dépraver.

Une Hébé, une Baigneuse, une Vénus, attirent ensuite notre attention. Sauf quelques détails de draperie qui n’ont peut-être pas un caractère assez spontané, ces trois figures rappellent sans servilité les beaux temps de l’art grec : — dans Hébé, la candeur et l’ingénuité, une élégance de formes qui doit éblouir les dieux ; dans Vénus, une beauté puissante qui appelle le désir. Les narines, minces et dilatées, expriment la volupté. La Baigneuse mérite une étude particulière : le soin religieux avec lequel Fogelberg a profité du mouvement de la figure pour montrer la beauté virginale sous la forme la plus exquise suffirait pour lui assigner un rang élevé parmi les statuaires modernes. Je ne sais pas si, lorsqu’il travaillait a sa Baigneuse, il a consulté un grand nombre de modèles ; mais ce que je sais bien, ce que j’ose affirmer, ce qui est évident pour tous les esprits éclairés, c’est que toutes les parties du corps ont le même âge, et ce mérite n’est pas ainsi commun qu’on le croit généralement. Trop souvent des artistes habiles, qui par malheur ont exercé leur main beaucoup plus que leur pensée, copient la poitrine et les épaules d’une femme de vingt ans, copient les membres d’une femme moins jeune, et ne prennent pas la peine de relier les diverses parties de la figure dans une harmonieuse unité. Dans la Baigneuse de Fogelberg, rien de pareil ; le visage, le torse et les membres ont la même jeunesse. Aussi je considère cet ouvrage comme un des meilleurs qu’ait produits la statuaire de notre temps.

L'Apollon Citharède me plaît moins que la Vénus, la Baigneuse et l’Hébé. Je ne crois pas que Fogelberg ait voulu engager la lutte avec l’Apollon du Belvédère. Il avait trop de sagacité pour croire que le type de l’Apollon Pythien, de l’Apollon Sauroctone, pût convenir à l’Apollon Citharède ; mais étant donné le sujet qu’il voulait traiter, il ne pouvait guère imaginer un type plus jeune que l’Apollon du Belvédère, il lui fallait choisir entre l’Apollon Musagète du Parnasse de Raphaël et la statue du Vatican, et sa préférence s’est portée sur