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Angleterre, en Autriche, en Prusse, en Russie, et même chez des puissances secondaires, le Piémont, la Suisse, la Suède. En France, après les désastres de 1815, la réorganisation de l'armée avait été confiée à un homme éminent, le maréchal Gouvion Saint-Cyr; longtemps investi des commandemens les plus importans, ayant beaucoup combattu, beaucoup médité sur la guerre, qu'il savait expliquer aussi bien qu'il avait su la faire, il apportait à l'exécution de cette tâche difficile le dévouement d'un patriote, les lumières d'un esprit juste, éclairé, libéral, l'expérience d'un vieux soldat et d'un général non moins instruit qu'habile. Sauf quelques erreurs qui étaient moins son fait que le résultat des circonstances, son administration fut des plus fécondes; nous lui devons les bases de nos plus belles institutions militaires, constamment perfectionnées et développées depuis lors, les lois d'avancement et de recrutement, la création du corps d'état-major. A côté de l'infanterie de ligne organisée en légions, il avait prescrit la formation de bataillons de chasseurs qui devaient avoir un équipement particulier; mais cette mesure ne fut ni complètement ni heureusement exécutée : ses bataillons partagèrent le sort des légions départementales, et disparurent avec elles pour faire place à nos régimens actuels. Ceux d'infanterie légère, dont plusieurs illustrèrent leur ancien numéro, ont conservé leur nom jusqu'à une époque toute récente; ils n'étaient distingués de l'infanterie de ligne que par une légère différence d'uniforme et par quelques autres détails, ainsi que par les dénominations de carabiniers et de chasseurs, substituées à celles de grenadiers et de fusiliers.

Ainsi les armes rayées continuaient d'être proscrites de nos rangs, et, bien que ce fût peut-être avec d'assez justes raisons, beaucoup de militaires persistaient à regretter que nous ne pussions rien opposer à certains corps spéciaux des armées étrangères, lorsque la découverte d'un ancien officier de la garde royale, M. Delvigne, vint faire disparaître un des principaux inconvéniens jusqu'alors inhérens aux carabines. M. Delvigne, s'étant bien rendu compte des propriétés du plomb, imagina de disposer au fond d'un canon carabiné une chambre d'un diamètre plus petit; la charge de poudre versée à la bouche allait remplir cette chambre; la balle, semblable à celle qui eût été employée dans un canon lisse, s'introduisait aussi facilement et venait s'appuyer sur le ressaut formé par la chambre, où, sans l'aide d'un maillet, il suffisait d'une baguette à tête un peu lourde pour la forcer en trois coups et lui faire prendre l'empreinte des rayures. Le chargement de la carabine devenait aussi prompt et presque aussi simple que celui du fusil; l'outillage compliqué disparaissait en grande partie. Le premier pas était fait dans la voie qui devait conduire à trouver la véritable arme rayée de guerre, et l'honneur en revient incontestablement à M. Delvigne. Néanmoins