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n’a point été ratifié encore, il est vrai, a été signé le 8 janvier par les délégués du chef de la confédération et de l’état de Buenos-Ayres. Les deux gouvernemens s’obligent a ne consentir à aucun démembrement du territoire national, et à se mettre immédiatement d’accord pour la défense commune, si l’intégrité du pays était menacée ; ils doivent concerter leurs moyens d’action sur les frontières contre les incursions des Indiens sauvages. Les lois générales qui régissaient la nation restent en vigueur. Les bâtimens argentins, soit de l’état de Buenos-Ayres, soit de la confédération, porteront le pavillon national. L’entrée des productions respectives des deux parties de la république est libre de tout droit. Les passeports délivrés par un gouvernement serviront sur le territoire de l’autre. En un mot, ce sont moins deux états indépendans traitant ensemble que deux fractions d’un même pays momentanément séparées, et s’arrangeant point garantir le mieux possible leurs intérêts en attendant le rétablissement de l’unité nationale. C’est déjà beaucoup que cette entente pour le commerce, pour l’industrie, pour le travail. Jamais peut-être le port de Buenos-Ayres n’a vu entrer plus de navires que dans ces derniers temps. La colonisation est aussi, dit-on, l’objet de l’attention des deux gouvernemens. L’essentiel, c’est que les passions ne viennent point encore une fois entraver les tendances actuelles, car il ne faut point oublier qu’on est en Amérique, où la paix est souvent aussi factice que les agitations.

Les agitations et les luttes sanglantes ont malheureusement la plus grande part dans les affaires de l’Amérique du Sud. On en a vu l’autre jour un exemple par ce qui vient de se passer dans la Nouvelle-Grenade, où la dictature révolutionnaire a été vaincue. Au Pérou c’est une révolution qui vient de triompher. Le président légal, le général Echenique, a été définitivement battu et renversé dans un combat qui s’est livré a peu de distance de Lima. Ainsi finit une administration qui avait commencé cependant sous les meilleurs auspices. Au moment où il devenait président, en 1851, le général Echenique recevait le pouvoir régulièrement des mains du général Castilla ; il trouvait le pays calme et relativement florissant. Ses premiers actes portaient la marque d’un esprit libéral et intelligent. Comment donc cette administration a-t-elle si tristement fini ? Une des premières causes de la chute du général Echenique a été la guerre déclarée à la Bolivie, guerre qui frappait certainement les intérêts de la république bolivienne, mais qui blessait encore plus peut-être ceux du Pérou par la cessation du commerce entre les deux pays. Une cause bien plus puissante et plus immédiate de la révolution qui vient de s’accomplir, c’est la manière dont les affaires financières ont été conduites : c’est la surtout ce qui a perdu l’administration du général Echenique. Bien que cela soit rare parmi les républiques sud-américaines, le Pérou avait des finances très prospères, et il le devait principalement à ce produit d’un immense rapport qu’on appelle le guano. C’est avec cela qu’il suffisait à toutes ses dépenses, qu’il avait réglé sa dette extérieure et fondé son crédit, au point que la dette péruvienne, qu’on pouvait acheter d’abord à 20 ou 25 pour 100, montait en peu d’années jusqu’à 109 en Angleterre. Il restait à consolider également la dette intérieure, et, quelqu’élevée que fût cette dette par suite de l’admission de titres peu sérieux, elle aurait pu être réglée sans nul doute avec le même succès dans le pays. Le général