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Echenique en jugea autrement, et alors intervint une mission que le général Mendiburu, ministre des finances, fut chargé d’aller remplir à Londres. Ce n’est point le moment d’entrer dans le détail des opérations financières du général Mendiburu, qui consistaient principalement à convertir la dette étrangère primitive et à l’accroître dans une proportion suffisante pour éteindre la dette intérieure en la transformant. L’envoyé du général Echenique a été l’objet de beaucoup d’accusations qu’on n’a pu naturellement vérifier. Toujours est-il que de cette mission il résultait bientôt que la dette péruvienne tombait à 48, et que les titres nouvellement émis pour couvrir la dette intérieure étaient exclus de la bourse de Londres. C’est à la suite de ces opérations qu’un homme considérable du Pérou, M. Domingo Elias, adressait au général Echenique des lettres devenues célèbres en Amérique, et en venait à tenter des mouvemens révolutionnaires sur divers points du pays. Ces tentatives étaient peu sérieuses encore. Ce qui leur donna de la gravité, ce fut l’intervention du général Castilla, ancien président. Après avoir essayé sans succès d’exercer une influence modératrice sur le gouvernement et de provoquer un changement de ministère, le général Castilla partait secrètement du Callao ; il allait débarquer dans le sud sur une plage déserte, faisait quelques lieues avec sa selle sur le dos en attendant un cheval, et finissait par arriver à Arequipa tout juste au moment où une insurrection venait d’éclater. Cette fois la révolution était constituée, elle avait son chef et son drapeau, et la commençait sérieusement cette lutte qui a duré une année entière.

D’un côté était l’insurrection, qui avait pour elle le prestige immense du nom de son chef ; elle commençait dans un pays qui pouvait lui fournir des soldats, mais elle manquait de toute autre ressource, d’argent, d’armes et de munitions. De son côté, le gouvernement avait pour lui tous les moyens administratifs, une armée disciplinée et de grandes ressources financières. Il n’est pas moins vrai que peu à peu le général Castille faisait des progrès, avançait de province en province vers le nord, et finissait par constituer un gouvernement révolutionnaire, qui adressait des circulaires au corps diplomatique à Lima, tandis que le gouvernement véritable voyait ses généraux successivement battus et ses moyens de défense diminués. Une première fois le général Echenique prenait le parti d’aller lui-même combattre Castilla, campé dans la vallée de Jauja ; mais, trompé par un mouvement de son habile adversaire et craignant d’être tourne, le président battait en retraite jusqu’à Lima, et cela ne contribuait pas peu à affaiblir moralement son autorité. Enfin deux événemens, deux combats sanglans venaient dénouer cette longue lutte. L’un de ces combats avait lieu à Arequipa, où se trouvait M. Elias, le 1er décembre 1854. Les troupes du gouvernement, sous les ordres du général Vivanco et du général Moran accouraient pour emporter la ville ; mais d’une part Vivanco était battu et parvenait à grand-peine à se sauver, atteint d’une blessure, pendant que le général Moran échouait à son tour dans l’attaque d’Arequipa. Malheureusement le général Moran était fait prisonnier dans l’action, et ce vieux soldat de l’indépendance, qui avait pris part à la bataille d’Ayacucho, qui ne faisait, après tout, que son devoir, était impitoyablement fusillé après un jugement dérisoire. Si le général Castilla, de son côté, s’était présenté devant Lima sous l’impression