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blessé à l'assaut du Col (mai 1840); un capitaine, M. Vichery, fut tué au bois des Oliviers. Plusieurs autres officiers, parmi lesquels nous citerons le brave capitaine Uhrich[1], furent atteints par le feu de l'ennemi.

Tandis que les tirailleurs faisaient noblement leurs premières armes en Afrique, un terrible orage semblait près d'éclater sur l'Europe. Tout le monde connaît la crise de 1840; on sait que, la guerre paraissant imminente, le gouvernement n'hésita pas à engager sa responsabilité pour mettre immédiatement l'état militaire de la France sur un pied formidable. Les chambres constitutionnelles, si justement préoccupées de ménager la fortune publique, souvent même parcimonieuses dans les temps ordinaires, ne refusaient jamais leur concours quand il s'agissait d'un grand intérêt national. Dans cette occasion, toutes les mesures prises d'urgence par le roi et ses ministres furent sanctionnées par le pouvoir législatif; tous les crédits nécessaires furent votés. Des milliers d'ouvriers et de soldats élevèrent les fortifications de Paris, qui changent entièrement, si l'on peut ainsi parler, la situation stratégique de la France vis-à-vis de l'Europe; les hommes, les chevaux, affluèrent dans tous les corps; notre matériel fut complété, remis en état; nos cadres furent augmentés de douze nouveaux régimens d'infanterie, quatre de cavalerie légère; enfin le duc d'Orléans fut chargé d'organiser dix bataillons de chasseurs à pied.

En acceptant cette mission, le prince royal ne s’était pas dissimulé les difficultés de l'œuvre qu'il allait entreprendre. Il sentait qu'un homme de son âge serait naturellement accusé d'engouement pour les nouveautés, et que, remise à ses soins, la création de nouveaux corps paraîtrait cacher quelque arrière-pensée plus politique que militaire : il n'ignorait pas que des critiques, sincères chez beaucoup, seraient envenimées chez d'autres par l'esprit de parti; mais il était convaincu de la sérieuse utilité de la mesure, pénétré de l'importance du service qu'il allait rendre à l'armée et au pays. Aimant passionnément la France, il avait fait un examen approfondi de toutes les questions qui pouvaient intéresser sa puissance et sa gloire. Aux plus heureuses facultés naturelles, à un fonds de bonnes et fortes études, il avait sans cesse ajouté par l'observation et le travail; il avait beaucoup lu, beaucoup médité sur la guerre; il n'avait négligé aucune occasion de la voir et de la faire bravement lui-même. L'organisation des armées étrangères lui était aussi familière que celle de notre armée même, aux rangs de laquelle il était mêlé depuis son

  1. Frère du général Uhrich, qui commande aujourd'hui une brigade en Crimée, M. Ernest Uhrich, bien jeune encore, a pris sa retraite comme colonel après la révolution de février.