Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Retournant donc sur ses pas, elle alla reprendre sa place à côté de sa mère dans le palais des césars de Byzance.

Tandis que ces choses se passaient aux extrémités de la Perse, Schaharbarz était arrivé sur la rive orientale du Bosphore, et avait dressé son camp à Chrysopolis, aujourd’hui Scutari, tandis que l’armée avare opérait sa marche sur Constantinople. Le 29 juin, l’avant-garde du kha-kan parut au pied de la longue muraille, où elle se reposa un jour ; bientôt après, elle était à Mélanthiade, sans avoir rencontré d’ennemis. Elle s’y arrêta pour attendre le corps principal de l’armée ou de nouveaux ordres de son chef. Le gros de l’armée avare s’avançait péniblement à travers les boues de la Mésie, embarrassé comme il l’était de bagages, de chariots, sur tout de cette multitude de canots creusés d’un seul tronc d’arbre, de monoxyles, comme disaient les Grecs, que les Avars convoyaient avec eux sur des chars ou des traîneaux pour servir de flotte à leurs alliés. Ces embarras forcèrent le kha-kan à faire dans Andrinople une halte prolongée ; mais il voulut mettre du moins le temps à profit. Faisant amener en sa présence le patrice Athanase, que l’on conduisait à sa suite comme un prisonnier, il lui ordonna de partir sur-le-champ pour Constantinople : « Va trouver tes compatriotes, lui dit-il, et sache d’eux ce qu’il leur plaît de m’offrir pour que je n’aille pas plus loin. » Athanase partit. Introduit bientôt dans le sénat, il y rendait compte de sa mission, lorsqu’un tumulte auquel il ne s’attendait pas lui permit à peine d’achever. On l’interpellait, on lui reprochait de s’être chargé d’un message outrageant pour la majesté romaine ; on allait presque jusqu’à l’accuser de trahison ou tout au moins de lâcheté : Athanase écoutait dans une profonde stupéfaction, ne sachant que répondre à des reproches qu’il ne comprenait pas. Enfin tout s’expliqua : la longue absence du patrice avait causé tout le malentendu. Lorsqu’il avait quitté Constantinople aux premières menaces de guerre, Constantinople était presque sans moyens de défense, et Athanase ne le savait que trop ; mais depuis lors, et sans qu’il le sût, les choses avaient changé de face. Non-seulement les garnisons des villes voisines avaient été concentrées dans la métropole, mais le corps d’armée envoyé par Héraclius était arrivé sans encombre, et de plus les bourgeois, rivalisant d’ardeur avec les soldats, avaient tous pris les armes ; en un mot, Constantinople, bien réparée, bien approvisionnée, bien gardée, pouvait attendre désormais ses deux ennemis avec confiance. Voilà ce qu’ignorait Athanase, retenu par le kha-kan dans la plus étroite captivité, et de son côté le gouvernement de Byzance avait oublié que son ambassadeur devait n’en rien savoir. Après avoir reçu ces explications, et pour réparer sa faute involontaire, le patrice