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de nom, de domicile, de race et de langage. Le Slave s’y trouvait à côté du Hun, le Scythe à côté du Bulgare, et le Mède lui-même y devenait le compagnon du Scythe. Sur la rive d’Europe, c’était Scylla frémissante ; sur la rive d’Asie, c’était Charybde, ses aboiemens et ses fureurs. » Les Avars formaient le centre sous le commandement immédiat du kha-kan, et l’attaque principale leur était confiée. Dans leurs rangs figurait une division de serfs gépides qu’ils avaient enrôlée malgré leur répugnance à mêler ce peuple dans leurs affaires ; mais ils avaient épuisé, pour la circonstance, leurs dernières ressources en hommes. Les Slaves, rangés à l’aile gauche, se déployaient sur deux lignes, dont la première était sans armes défensives et presque nue, et dont la seconde portait des cuirasses. Le matériel de siège comprenait des machines de toute sorte, soit de protection, soit d’attaque, et douze grosses tours, qui, lorsqu’on les eut montées, se trouvèrent égaler presque en hauteur les remparts de la ville. Elles étaient recouvertes de cuirs qui les mettaient à l’abri du feu, et la plupart des machines étaient ainsi garanties par des peaux. Le kha-kan avait espéré pouvoir débarquer sa flotte de canots dans le golfe même ; mais, à l’aspect des galères romaines à deux et trois rangs de rames qui garnissaient le port, il renonça à son dessein, et les fit déposer à l’embouchure du Barbyssus, petite rivière qui se jette à l’extrémité du golfe, sur un fond de vase et sur des atterrissemens dont le peu de profondeur ne permettait pas aux grands navires d’approcher.

Bâtie sur sept collines comme la ville de Romulus et d’Auguste, mais baignée par trois mers qui ne lui laissent point regretter le Tibre, la cité de Constantin présentait alors, comme elle fait encore aujourd’hui, l’aspect d’un triangle isocèle dont la base pose sur le golfe de Géras, et dont le château des Sept-Tours marque le sommet. Le côté oriental longeait les sinuosités de la Propontide, tandis que le côté occidental, tourné vers la terre ferme, en était isolé par une double ligne de fossés et de murailles. L’n mur crénelé, flanqué de tours, garnissait également le côté oriental et la base, auxquels la mer servait de fossé. À chacun des angles de l’est et du nord s’élevait une citadelle formidable correspondant au château des Sept-Tours. Le repli étroit et profond de la mer qu’on appelait, à cause de sa configuration, le golfe de Géras, c’est-à-dire de la Corne, formait le principal port de la ville. À son extrémité, où se perd la petite rivière du Barbyssus, s’étendaient sur l’une et l’autre rive les quartiers de Blakhernes et de l’Hebdome, alors extérieurs à la ville, et le faubourg de Sykes ou des Figuiers ; c’était le séjour privilégié des riches patriciens, et la campagne de ce côté était couverte de villas élégantes, d’églises et de palais ; on y trouvait aussi le cirque et le