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honte, et le peuple des Vendes carinthiens une sentinelle avancée de l’empire romain sur le Haut-Danube.

Tandis que ces choses se passaient à l’occident de la Hunnie, la dureté insensée des Avars leur attirait à l’orient des adversaires non moins redoutables. Le kha-kan qui s’était si odieusement signalé par ses perfidies envers l’empire romain en 622 et 626, le Réprouvé, comme disent les écrivains grecs, mourut dans cette même année 630, époque de la résurrection des Slaves. Les Bulgares avaient toujours servi les Avars plutôt en frères qu’en vassaux ; ils repoussaient même le titre de vassaux et prétendaient à celui d’alliés. Cette prétention semblait d’autant plus juste, que non-seulement ils étaient de race hunnique comme les Avars, mais qu’ils étaient puissans, leur roi Cubrat ou Kouvrat, qui occupait sur le Volga Bulgaris, siège de la nation, ayant lui-même de nombreux vassaux, soit en Asie, soit en Europe, et des colonies bulgares importantes, échelonnées dans les plaines pontiques et jusqu’en Pannonie, faisant, par leur situation, partie intégrante du territoire avar proprement dit. Forts de ces raisons, les Bulgares demandèrent que le chef de l’empire fût désormais choisi à tour de rôle parmi les Avars et parmi eux, et que d’abord la vacance actuelle leur fût dévolue. Le mépris avec lequel les Avars accueillirent cette réclamation indigna les sujets de Kouvrat, qui prirent les armes dans leurs colonies du Danube, mais qui furent vaincus. Plutôt que de se résigner au joug, dix mille de ceux de Pannonie préférèrent s’expatrier et cherchèrent un asile chez les Franks-Austrasiens. C’était une bien faible troupe qu’un aussi grand royaume que l’Austrasie n’eût pas dû craindre, composée qu’elle était en majeure partie d’enfans, de femmes et de vieillards ; toutefois les Bulgares avaient si mauvais renom, on se souciait si peu de pareils hôtes ou de pareils voisins, que Dagobert, avant de les admettre, voulut consulter ses leudes, et envoya les émigrans hiverner en Bavière, où on leur fournit des maisons et des vivres. Le conseil des leudes ayant décidé qu’on devait se défaire au plus tôt de ces étrangers dangereux, Dagobert expédia l’ordre secret de les égorger tous dans la même nuit. Il n’en échappa que sept cents, qui se réfugièrent chez les Vendes de Carinthie. Kouvrat fit retomber avec raison la responsabilité de ce désastre sur les Avars et sur leur tyrannie, et pour commencer à se venger d’eux, il envoya une ambassade à Constantinople, sollicitant l’amitié de l’empereur. Héraclius répondit à ces ouvertures par l’envoi d’une autre ambassade chargée de remettre au roi bulgare le titre de patrice, qui le constituait officier romain, et l’empire avar se trouva limité à l’est par la puissance de Kouvrat, comme il l’était au sud-ouest par celle de Samo.