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par exemple, une simple époque de la vie, distingue ici tout un état particulier de l’être. On voit que sa signification physiologique acquiert par cela même une valeur beaucoup plus grande, et nous verrons plus tard cette importance grandir bien davantage encore.

Dès à présent, nous avons à signaler un fait très significatif, et qui se rattache à cet ordre de considérations. La femelle de notre piéride meurt presque aussitôt après avoir déposé ses œufs, et le mâle l’a déjà précédée dans la tombe. Pour eux comme pour presque tous les insectes, le mariage est mortel, et leur existence cesse dès qu’ils ont assuré celle de leur postérité. Qu’une cause quelconque vienne empêcher l’accomplissement des actes nécessaires pour atteindre ce but final, et leur vie, normalement si courte, sera prolongée au-delà de tout ce qu’on pourrait prévoir. Parfois quelques papillons viennent au jour à la fin de l’automne; la température déjà froide retarde leur développement, et l’hiver arrive avant qu’ils aient pu se livrer à leurs amours. Ils se retirent alors sous quelque abri, traversent la mauvaise saison tout entière, et reparaissent au printemps. Grâce à cette virginité accidentellement gardée, leur vie, au lieu de se borner à quelques semaines, se trouve durer plusieurs mois.


II. — MÉTAMORPHOSES DES INSECTES EN GÉNÉRAL.

Nous venons de suivre un insecte dans le cours entier de son existence. En soumettant à une étude semblable un grand nombre d’espèces prises dans chaque groupe, nous arriverions aisément à concevoir le type virtuel de cette classe. Pour nous, l’insecte méritant ce nom dans toute son étendue serait un animal articulé, respirant par des trachées, à trois régions distinctes, portant à la région moyenne trois paires de pattes et deux paires d’ailes, n’arrivant à cet état parfait qu’après avoir subi deux métamorphoses, présentant par conséquent dans sa vie, indépendamment du temps passé dans l’œuf, trois périodes distinctes caractérisées, la première, par une activité à la fois extérieure et intérieure ayant exclusivement pour but l’accroissement de l’individu; la seconde, par une activité tout intérieure ayant pour but la modification de l’individu; la troisième, par une activité extérieure et intérieure ayant pour but unique la prolongation de l’espèce. Quelques insectes réalisent complètement cet idéal, et, sans sortir de l’ordre des lépidoptères, nous en rencontrons un exemple. De l’œuf pondu par le cossus ronge-bois (cossus ligniperda] sort une chenille qui passe deux ans et peut-être davantage sous cette première forme avant de se changer en chrysalide; celle-ci