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que le corps, soutenu par un prolongement de la colonne vertébrale, mû par des muscles puissans, nourri par de larges vaisseaux, animé par de nombreux troncs nerveux. Mais sous la peau, sous les muscles, en avant et en arrière du tronc, naissent de petits moignons suspendus d’abord aux parties voisines par des vaisseaux et des nerfs. Ce sont les pattes qui commencent et montrent d’abord la main et le pied. Ces moignons grandissent : leurs dépendances apparaissent successivement, et par conséquent les os de l’épaule et du bassin. En revanche, à mesure que ces membres se rapprochent du moment où ils pourront entrer en fonction, la queue commence à décroître. Peau, muscles, nerfs, os et vaisseaux s’atrophient et finissent par disparaître. Non qu’ils se flétrissent et tombent, ou soient rejetés par quelque mue comme la peau et les trachées d’une larve d’insecte, mais parce que leur substance même est résorbée par l’organisme, si bien qu’ils cessent d’exister sans avoir un instant cessé de vivre.

Ainsi dans l’ensemble aussi bien que dans chacun de ses appareils, à l’exception des centres nerveux, les grenouilles nous montrent des métamorphoses complètes. Il n’en est pas de même des salamandres. Celles-ci, à l’état de larve, conservent leurs branchies extérieures et n’acquièrent jamais de branchies internes. Pour arriver à la respiration aérienne, elles franchissent en quelque sorte une des transformations imposées aux grenouilles. A l’état parfait, les salamandres prennent aussi quatre pattes, mais elles gardent leur queue. La métamorphose va se simplifiant de plus en plus à mesure qu’on avance vers les rangs inférieurs de ce singulier groupe. Le protée qui n’habite que les lacs souterrains de la Carniole, l’axolotl qu’on trouve seulement dans le lac de Mexico, portent pendant toute leur vie des branchies extérieures tout en acquérant des poumons, et, véritables amphibies, peuvent ainsi respirer indifféremment dans l’air et dans l’eau. Enfin le lépidosiren, ce type des animaux de transition, présente même à l’état adulte, dans ses centres circulatoires, aussi bien que sous tous les autres rapports, un tel mélange des caractères essentiels aux reptiles et aux poissons, que les plus habiles anatomistes vivans, après de nombreuses études, sont encore partagés d’opinion sur son compte, et ne savent au juste à laquelle de ces deux classes revient cet être vraiment paradoxal.