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quelques-uns de nos contemporains les plus éminens[1] ; il n’en est pas de même de la classe des acéphales, comprenant tous les mollusques à coquille bivalve. Depuis les recherches que j’ai déjà mentionnées, je ne vois guère de publiés sur ce sujet que le mémoire de M. Davaine sur le développement des huîtres[2] et celui que j’ai consacré à l’embryogénie du taret. Jusqu’à ce jour, c’est chez ce dernier que les métamorphoses sont le plus compliquées; elles sont sensiblement plus simples chez les huîtres, plus encore chez les anodontes, et nulles enfin chez quelques autres petits mollusques d’eau douce qui habitent nos étangs et nos lacs. L’huître, comme le taret, est d’abord une larve ciliée, puis elle se revêt d’une coquille et acquiert un appareil rotatoire analogue à celui des gastéropodes, et qu’on retrouve également chez le taret; mais cet organe, bien plus simple chez les huîtres, n’est ni exsertile ni rétractile, à ce qu’assuré M. Davaine, et les cils, constamment agités, sembleraient obéir à une sorte d’impulsion automatique plutôt qu’à la volonté de l’animal. Chez le taret au contraire, l’appareil rotatoire rentre dans la coquille ou en sort au gré de l’animal, qui est en outre muni d’un long pied très mobile, et rampe sur un plan solide aussi bien qu’il nage en pleine eau.

Aucun de ces organes locomoteurs n’existe chez la petite anodonte. En revanche, celle-ci celle-ci possède un appareil très singulier qui lui sert à clore solidement sa coquille pour en interdire l’entrée aux infusoires parasites. Chaque valve, alors de forme triangulaire, porte à son sommet une longue pièce flexible et surmontée de fortes dents disposées en quinconce. Des muscles particuliers ramènent ces deux pièces en dedans, à peu près comme la lame d’un couteau qui se rabat sur son manche, et les dents, engrenées les unes dans les autres, maintiennent l’habitation du petit mollusque fermée comme avec un double cric.

Tarets, huîtres et anodontes, logés, an sortir de l’œuf, entre les branchies ou les replis du manteau de leur père, attendent, ainsi

  1. Les premières recherches sur le développement des gastéropodes datent de 1815, et sont dues à un naturaliste allemand, M. Stiebel. Parmi les naturalistes qui à diverses époques se sont occupés de la même question, je citerai MM. Allmann, Carus, Dumortier, Frey, Grant, Jaquemin, Laurent, Lœven, Nordmann, Pouchet, Prévost, Rathke, Heid, Saars, de Siebold, van Bénéden, Vogt, Windismann, etc. Les premiers travaux de ces naturalistes ayant porté sur les espèces aériennes ou d’eau douce, il en résulta que la découverte des métamorphoses dans cette classe fut fort retardée. Le naturaliste anglais Grant, dès 1827, reconnut l’existence et les usages des appareils rotatoires; mais ce n’est qu’en 1837 que M. Saars, pasteur à Berghem, fit connaître le fait capital de l’existence d’une coquille dans les embryons des mollusques nus.
  2. Le mémoire de M. Davaine, intitulé Recherches sur la reproduction des huîtres, a mérité cette année même le prix de physiologie expérimentale décerné par l’Académie des sciences.