Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cinq jours environ après l’époque que nous avons prise pour point de départ, il est déjà long de 33 millimètres et pèse 216 centigrammes. Vers le quatrième mois, lorsqu’il est près de mériter le nom de fœtus, sa longueur est de 20 centimètres, son poids de 224 grammes. En quatre mois, il est devenu trente fois plus long et dix-huit cents fois plus pesant. A partir de ce moment, il croît encore d’environ 1 pouce ou près de 3 centimètres tous les quinze jours. Au moment de la naissance, il a atteint un peu plus de 1,2 mètre et pèse environ 3 1/2 kilogrammes[1]. En moins de neuf mois, l’embryon humain est devenu soixante-dix fois plus long et vingt-neuf mille fois plus pesant en nombres ronds. Eh bien ! le développement des insectes nous présente des faits entièrement analogues. En vingt-quatre heures, d’après Rédi, une larve de la mouche des viandes (musca carnaria) devient de cent quarante à deux cents fois plus pesante[2]. Lyonnet, s’appuyant en partie sur l’expérience directe et en partie sur le calcul, a montré que la chenille du saule dont nous avons déjà parlé (cossus ligniperda), prête à se changer en chrysalide, pèse au moins soixante-douze mille fois plus qu’au sortir de l’œuf.

En arrivant à l’état parfait, c’est-à-dire en devenant adultes, les insectes en général non-seulement ne croissent plus, mais encore présentent des dimensions évidemment bien plus petites que celles de la larve. Cette diminution de taille est par exemple très frap pante chez les stratiomes, dont nous avons esquissé l’histoire; mais ce n’est là qu’une exception. Presque toujours les animaux à méta morphoses, après leur dernier changement, font comme l’homme après sa naissance : ils continuent à grandir. Plusieurs d’entre eux, comparables en cela à certains vertébrés ovipares, s’accroissent même pendant toute leur vie, et dès lors il n’est pas surprenant que les différences de volume et de poids entre le jeune et le vieil ani mal soient bien plus fortes chez eux que chez les vivipares. En vingt ans, l’homme quadruple rarement la taille de l’enfant qui vient de naître; en moyenne, il pèse à peine trente-huit fois plus. La larve du taret qui va changer de forme est au moins trois ou quatre mille fois plus volumineuse que celle qui sort de l’œuf, mais elle l’est plusieurs millions de fois moins que sa mère[3] .

  1. Pour ces dimensions de l’embryon humain à divers âges, j’ai suivi les chiffres donnés par le docteur Olivier et Chaussier, qui avait établi les siens sur une moyenne obtenue par l’examen de quinze mille sujets (Dict. de médecine).
  2. Introduction à l’entomologie, par Th. Lacordaire.
  3. Ce fait d’une croissance indéfinie et qui dure autant que la vie ne se rencontre dans les divers groupes principaux que chez les espèces inférieures. Ainsi, parmi les vertébrés, certains reptiles et poissons présentent seuls cette particularité. Chez eux, même l’accroissement se ralentit considérablement, quand la durée de la vie est très longue, comme on a pu l’observer bien des fois chez les carpes. J’ai eu l’occasion de voir un de ces poissons qui s’était, disait-on, transmis depuis plus de cent ans dans une famille de pêcheurs. Il était à peine plus long qu’une belle carpe ordinaire, mais seulement beaucoup plus épais.