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sont là les lieux de station ou plutôt les étapes de la caravane, — non que la caravane puisse, en cas de danger, s’y réfugier comme dans un asile, car la caravane ne peut s’arrêter que pendant un nombre d’heures convenu, sans quoi elle n’atteindrait pas son but au moment fixé pour l’arrivée, qui est celui des fêtes du Beyram. Les quantités de vivres sont d’ailleurs si exactement calculées sur le nombre des jours de voyage, réglé d’avance, qu’en perdant du temps en route, on serait exposé à mourir de faim à quelques pas du but.

En Europe, on entend par étape une certaine durée de marche déterminée de telle sorte que la distance entre les diverses étapes est toujours la même à très peu de chose près; mais dans le désert il n’en saurait être ainsi : la nature n’y ayant pas échelonné les sources à des distances égales, il faut marcher d’une source à l’autre. Or si parfois il suffit de cinq ou six heures pour aller d’une source à la citerne voisine, parfois aussi il faut marcher seize et même dix-huit heures.

Au temps des dévotions ardentes, alors que l’islamisme était encore dans toute la force de l’âge, on avait conçu le projet de paver le chemin d’un bout à l’autre; mais cette œuvre n’a jamais été accomplie. Formé à des époques où la mauvaise saison en faisait apprécier l’utilité, le projet était abandonné au retour d’une période où les pèlerins n’avaient plus à redouter les fatigues et les dangers de l’hiver. Ceci demande une explication que je vais donner aussi succinctement que possible, bien qu’elle puisse être inutile pour certains de nos lecteurs.

Le calendrier arabe, de même que tous les calendriers des peuples sémitiques, est un calendrier lunaire. L’année y est bien divisée, comme la nôtre, en douze mois; mais ces douze mois, au lieu d’être de trente et trente et un jours, sont alternativement de vingt-neuf et de trente, ce qui fait un total de trois cent cinquante-quatre jours au lieu des trois cent soixante-cinq que compte l’année solaire. Comme c’est le cours du soleil et non le cours de la lune qui règle les saisons, il résulte de cette moindre longueur de l’année arabe qu’une date quelconque ou une fête donnée du calendrier musulman se promène dans une série de trente-trois ans par toutes les saisons de l’année. Or, comme la fête qu’on va célébrer à La Mecque est le Courbam-Beyram, comme le voyage pour aller et pour revenir est de près de quatre mois, et comme la saison sèche dure à Damas depuis la fin de mai jusqu’au commencement de décembre, c’est-à-dire huit mois, il se trouve que, pendant vingt-deux années sur trente-trois, la caravane fait entièrement son voyage sans pluie, parce que huit mois sont les deux tiers de douze mois, comme vingt-deux ans sont les deux tiers de trente-trois. La durée du temps pendant lequel