Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plusieurs de ces indications[1]. N’oublions pas deux membres éminens de l’aristocratie tchèque, deux gentilshommes patriotes, qui pendant leur longue carrière ont pu encourager successivement les deux écoles, les nobles comtes Franz et Gaspard de Sternberg, — le premier, passionné pour les recherches de l’histoire, collecteur intelligent de livres, de manuscrits, de médailles, d’antiquités de toute sorte, légués par lui à son pays; le second, plus spécialement livré aux travaux de la science, botaniste laborieux et habile, honoré de l’amitié des Humboldt, des Cuvier, des Lacépède, des Berthollet, — célèbres tous les deux, dans les annales de la Bohème régénérée, par la fondation du Musée national.

Ce Musée national, établi en 1818 par les comtes de Sternberg et patroné efficacement par l’administrateur général de la Bohême, M. le comte Kolowrat-Libsteinsky, avait pour mission de faciliter les recherches de la science sur tout ce qui intéressait la race slave dans ces contrées. Mœurs, histoire, géographie, sciences naturelles, le Musée national embrassait tout. C’était le foyer de ces espérances si belles, c’était le comité du mouvement et de l’action. Il employait l’argent des souscripteurs à l’établissement d’une bibliothèque où tous les documens sauvés de l’oubli et du naufrage étaient mis à la disposition des savans. Il imprimait tous les grands ouvrages de la nouvelle école, le Dictionnaire de Jungmann, les Antiquités slaves de Safaryk, et surtout il fondait en 1827 une publication périodique qui a eu l’influence la plus décisive sur cette rénovation de tout un peuple, le Journal du Musée national de Bohême. Quel était l’homme digne de prendre en main la direction de ce journal? Dans le brillant état-major de l’insurrection tchèque, les comtes de Sternberg cherchaient un homme nouveau, un cœur résolu, un écrivain qui eût déjà donné des gages au patriotisme et à la science, mais qui, étranger à des luttes souvent trop passionnées et joignant l’esprit de conduite à l’enthousiasme, pût triompher à la fois et de l’hostilité du parti allemand et des divisions des Slaves. Il y avait alors à Prague un jeune littérateur dont les comtes de Sternberg avaient encouragé les débuts, et qui grandissait chaque jour dans l’estime publique; il s’appelait Franz Palacky. C’est à lui que les fondateurs du Musée remirent le commandement de cette expédition pacifique, et l’on vit bientôt les vétérans se grouper avec joie autour du jeune chef.

  1. Voyez Ueber den gegenwaertigen Stand der boehmischen Literatur und ihre Bedeulung, par le comte Léo de Thun, Prague 1842.