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complète, précise, scrupuleuse, quel guide dans la recherche du vrai et quelle garantie des progrès de la science ! Ce sera plus encore ; ce sera, comme ici, un tableau anticipé de chaque histoire, et grâce aux rectifications de la critique, les erreurs même seront des faits instructifs, puisqu’on y verra les préjugés et les prétentions des peuples aux différentes phases de leur vie séculaire.

Au moment où le mémoire M. Palacky était couronné par la Société des sciences de Prague, le plus illustre membre de cette académie, le père de la philologie bohème, le vieux Dobrowvsky, s’éteignait doucement, entouré de respects et d’honneurs. On lui chercha un successeur digne d’occuper sa place, et M. Palacky fut nommé. Ces récompenses si méritées augmentaient encore son ardeur. Il sentait que tous les yeux étaient dirigés vers lui, et qu’on attendait beaucoup de l’homme que les députés des états avaient élu historien national, comme on élit par acclamation un représentant ou un souverain. Il ne se lassait pas d’insérer dans le journal des comtes de Sternberg la suite de ses monographies historiques. Ici, c’était une vive peinture de la jeunesse de Wallenstein, éclairée d’une lumière toute nouvelle d’après les documens originaux ; là, c’était une étude complète sur la vie et les travaux de Dobrowsky. Il publiait ensuite des recherches sur les tribunaux de la Bohême au XIIIe siècle, tribunaux assez semblables à notre jury moderne, puis une série de mémoires de philologie et de critique sur l’origine des Slaves, sur les noms des anciennes familles nobles, etc., et enfin il résumait ces investigations si variées dans une Esquisse de la culture intellectuelle en Bohême depuis les origines. Il avait épuisé désormais les sources d’information que lui présentait son pays ; les archives des autres nations de l’Europe devaient contenir aussi bien des documens sur l’histoire de la Bohême, particulièrement sur cette guerre des Hussites, premier et formidable signal de la révolution religieuse. M. Palacky confia à M. Safaryk la direction du Journal du Musée, et partit pour l’Italie en 1827. Les lettres du comte Kolowrath, du comte Franz de Sternberg, et l’intervention du comte Lutzow, représentant de l’Autriche auprès du saint-siège, lui aplanirent toutes les difficultés ; Grégoire XVI lui-même ordonna que les archives les plus secrètes fussent mises à la disposition de l’historiographe de Bohême.

N’est-ce pas un beau spectacle que celui d’une activité si ardente et des sympathies qu’elle inspire ? La vie littéraire n’est que trop souvent remplie d’injustices et de cruautés. Hélas ! combien d’esprits entravés dans leur marche ! combien de talens étouffés ! combien de forces perdues ! Consolons-nous du moins à la vue de ces destinées heureuses. Voilà tout un peuple qui charge un de ses enfans de retrouver et de raconter son histoire. La faveur publique et le zèle de