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fait venir de l’antique pays des Serbes, la Chrowatie, située au nord des monts Carpathes. Tout ce qui restait des Boïens et des Marcomans, toutes ces peuplades que les flèches d’Attila avaient frappées au cœur, les Slaves même qui s’étaient établis là après les commotions récentes, se soumirent sans peine au conquérant. Tchek avait les mâles vertus d’un fondateur d’empire. Sa domination se constitua rapidement, et tandis que d’autres états voisins, Gépides, Lombards, Rugiens, Hérules, disparaissaient au bout de quelques années ou se déplaçaient encore, les Tchèques jetaient de vigoureuses racines dans ce sol qu’ils ne devaient plus quitter. Un seul état fortement établi, celui des Thuringiens, qui les séparait à l’ouest du grand empire des Francs, leur causa dans l’origine de sérieuses inquiétudes : la haine des Thuringiens et des Tchèques est restée longtemps comme un souvenir dans les vieilles traditions de la Bohême. Heureusement pour les Tchèques, un siècle ne se passa pas avant que la puissance des Thuringiens fût abattue par les Francs à la bataille d’Unstrut (530). La Bohême était délivrée ainsi du seul voisinage qui pût l’effrayer, car les Francs, bien autrement redoutables que les Thuringiens, mais dont l’esprit de conquête se tournait vers l’ouest et le sud, ne songeaient pas à étendre leurs envahissemens du côté des populations slaves.

Bohême courut bientôt de plus graves dangers. Un nouveau peuple asiatique, les Avars, se jette sur l’Européen 558, attaque les tribus slaves établies autour de la Mer-Noire, les refoule vers le cours inférieur du Danube, puis, changeant de direction, marche vers l’ouest, traverse la Bohême le fer et le feu à la main, et va porter la guerre chez les Francs. Vaincus par Sigebert, roi d’Austrasie, les Avars se tournent vers le sud, et là, sous la conduite de Baïan[1], ils arrachent la Hongrie aux Gépides et subjuguent tout ce qui les environne. Presque tous les peuples slaves devinrent la proie du nouvel Attila ; la Bohême se courba d’abord sous son joug, mais l’esprit de race opposait une invincible résistance à la domination des Avars, et après un demi-siècle de souffrances et de honte, un libérateur se leva du milieu des Tchèques. Signalons ici ce grand nom disparu pendant des siècles et remis en pleine lumière par la science de M. Palacky : le libérateur des Tchèques s’appelait Samo. C’est lui qui eut l’honneur de porter les premiers coups à cet empire des Avars, si menaçant pour l’Europe. Les Avars restèrent maîtres de la Hongrie ; la Moravie et la Bohême leur échappèrent pour toujours. Vainqueur de ces Barbares après quatre années de

  1. Voyez dans la Revue du 15 novembre 1854 le travail si remarqué de M. Amédée Thierry sur les conquêtes de Baïan et l’établissement du second empire hunnique. La dernière partie de ce travail paraît dans la Revue aujourd’hui même.