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partit au galop avec sa suite vers le château de la jeune souveraine.

Telle est la gracieuse légende de ce Prémysl qui tient en même temps une si grande place dans la réalité, puisque tous les souverains de Bohême, ducs, rois, empereurs d’Allemagne, sont ses enfans, et qu’il a fondé ainsi, comme on voit, la plus vieille famille royale de l’Europe. Contemporain de Pépin d’Héristal et de Charles Martel, Prémysl vivait au commencement du VIIIe siècle ; sa descendance masculine, éteinte seulement en 1306, à la mort de Wenceslas III, a donc occupé le trône de Bohême pendant près de six cents ans, et aujourd’hui encore les empereurs d’Autriche se rattachent par les femmes à l’époque de Libusa. Prémysl est pour les Tchèques un nom glorieux et cher à plus d’un titre. Malgré les fables de la tradition, il est impossible de méconnaître la place qu’il occupe dans l’histoire. Il a été le législateur de la Bohême ; il a façonné au joug de la loi une nation encore barbare, et plusieurs des institutions qu’il a établies ont survécu au moyen âge ; c’est aussi à Prémysl ou à la période qui porte son nom qu’il faut rapporter la fondation de la ville de Prague.

Les premiers Prémyslides, comme les appelle M. Palacky, ne sont guère connus que de nom. C’est Nezamysl, Wojen, Unislaw, Krezomysl, Neklan, et enfin Hostivit, père de Boriwoj, premier duc chrétien qui ait régné sur les Tchèques. À partir de cette date, nous quittons le terrain de la légende. Voici les deux apôtres de la Moravie et de la Bohême, les deux fils du patricien Léon de Thessalonique, saint Cyrille et saint Méthode : Cyrille, versé dans la connaissance des langues de l’Europe orientale ; Méthode, moine et peintre, le plus habile peintre de son temps. Ce qu’ils firent tous deux pour la conversion des Slaves, celui-ci par son savoir philologique, celui-là par le prestige de ses tableaux, l’histoire religieuse en a conservé le souvenir. Saint Cyrille avait déjà porté le christianisme dans le sud de la Russie, et saint Méthode, frappant les imaginations par son hardi tableau du jugement dernier, venait de conquérir les Bulgares à l’église, quand ils pénétrèrent chez les Tchèques. Merveilleux résultats de ces missions saintes ! en apprenant le christianisme aux Slaves, saint Cyrille leur apprend aussi leur langue ; il leur donne un alphabet qui exprime, qui dessine toutes les nuances de la prononciation avec une netteté et une précision admirables. Il commence même à traduire les livres saints dans la langue slave, comme l’évêque Ulphilas avait traduit la Bible pour les Goths. A l’origine de toutes les littératures modernes de l’Europe, on trouve toujours les livres saints traduits en langue vulgaire, comme pour nous rappeler que le christianisme est la base et le lien de la grande fédération européenne. Ou y trouve aussi, sous les traits d’une vierge ou d’une