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famille aurait voulu le maintenir. Esprit mobile, caractère aimable et disposé à l’entraînement, Choron passa les plus belles années de sa vie à tâtonner, à s’essayer sur différens sujets, à publier des éditions des vieux maîtres italiens qui consumèrent son activité et presque tout son patrimoine. C’est pendant cette période de transition que Choron jeta successivement dans un public indifférent à ces sortes de travaux les Cantates de Porpora, le Stabat à deux chœurs de Palestrina, celui de Josquin Desprez, le Requiem et le Miserere de Jomelli, le Miserere à deux chœurs de Léo, les Principes de composition des écoles d’Italie, et un Dictionnaire des Musiciens qui parut en 1810, et dont la préface contient un résumé remarquable de l’histoire de la musique. Nommé directeur de la musique dans les fêtes et cérémonies religieuses par M. de Bigot de Préameneu, ministre des cultes sous l’empire, Choron fit, en cette qualité, plusieurs rapports sur la réorganisation des maîtrises qui le firent remarquer de l’administration supérieure. Nommé en 1816, directeur de l’Opéra, où il ne resta que quinze mois, Choron, qui s’était attiré de nombreux ennemis par la vivacité de ses attaques contre le Conservatoire de musique, fut abandonné un moment de ses protecteurs. C’est alors qu’il conçut le plan d’une nouvelle Méthode concertante pour l’enseignement de la musique, dont il communiqua l’idée à M. de Prades, intendant général de la maison du roi, qui avait pour lui de l’affection, et qui lui accorda un léger subside pour la mettre en pratique. Telle fut l’origine modeste de l’école de musique classique et religieuse, qui a duré jusqu’en 1830, et s’est prolongée péniblement jusqu’à la mort de Choron, arrivée le 27 juin 1834.

L’école de musique classique et religieuse, qui s’agrandit et se développa au-delà des prévisions de son fondateur, est une institution qui appartient exclusivement au règne de la restauration, dont elle résume l’esprit. Dotée par la liste civile, protégée par le haut clergé et les classes élevées de la société, l’école de Choron visait à remplir dans les arts le rôle que le gouvernement de la restauration se proposait dans la politique et la civilisation de la France : à combler l’abîme ouvert par la révolution et à renouer la chaîne des temps. Le Conservatoire de musique, qui doit sa naissance à un décret de la convention, était, par son origine aussi bien que par l’esprit de son enseignement, une institution éminemment révolutionnaire qui ne se proposait que l’étude de la musique dramatique et instrumentale, qui ne remonte pas au-delà de l’avènement de Gluck. Choron, par la nature de son esprit, de ses connaissances diverses, où l’histoire tenait une si grande place, était remonté jusqu’à la renaissance, par-delà la tonalité moderne, et c’est à partir de Palestrina, qui ferme le moyen âge, qu’il commençait l’ère de sa tradition pratique. Aussi est-ce dans les exercices publics qui eurent lieu dans l’école de Choron, de 1822 à 1830, que furent exécutés pour la première fois en France les œuvres de Palestrina, de Scarlatti, de Léo, de Jomelli, les psaumes de Marcello, les duos et les trios de Clari, de Steffani et de Durante, les madrigaux de Marenzio, les oratorios de Haendel, de Graun, de Schneider, etc., enfin toute cette admirable musique, purement vocale, qui est dans l’histoire de l’art ce que sont les figures placides dans les tableaux du Perugin et des